Paris, le 30 août 2023

Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale,

La circulaire de rentrée 2023-2024 met en avant une priorité absolue : « faire de l’École un espace protecteur pour les élèves et les personnels », notamment par la lutte « contre toutes les formes de pressions ou de prosélytismes ».

En parallèle, les locaux du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) accueillent, ces 29 et 30 août, la 20ème édition des « Entretiens Enseignants-Entreprises » organisée par l’Institut de l’Entreprise (IDE), un groupe de pression qui rassemble les 120 plus grandes entreprises françaises. Fruit d’un partenariat officiel avec l’Éducation nationale, cet évènement est par conséquent la vitrine d’un lobbying patronal désormais implanté au cœur de l’institution.

Dans le cadre de ce partenariat, largement promu par l’inspection, l’IDE est également associé à la production du site pédagogique Melchior, à destination des élèves et des enseignant⋅es.

Or le site Melchior a été sévèrement mis en cause en septembre 2020 dans le « 20 heures » de France 2 qui l’accusait, témoignage à l’appui, de faire payer certaines entreprises pour des articles élogieux et des études de cas à intégrer dans les cours. Face à une accusation aussi grave, on pouvait légitimement s’attendre à ce qu’une telle collaboration avec le ministère cesse.

Au lieu de cela, Melchior prend de plus en plus de place dans la formation des enseignant⋅es, et délivre désormais des certifications en transition environnementale… alors que le site avait déjà été pointé du doigt pour des ressources pédagogiques partiales faisant la promotion des « modèles » d’entreprises que sont Vinci, pour ses concessions autoroutières, et Total, pour sa stratégie écologique. A l’heure où la jeunesse réclame des outils de réflexion pour comprendre et penser les défis écologiques du XXIe siècle, l’enseignement scolaire n’a pas vocation à devenir le relais du greenwashing des grandes entreprises.

L’École doit être préservée de toute influence et transmettre des savoirs pluralistes issus de la recherche et non des services de communication des grands groupes. D’ailleurs, les Sciences économiques et sociales (SES) sont appréciées par les élèves comme une discipline permettant de se saisir avec rigueur des enjeux contemporains et ainsi développer les compétences réflexives utiles pour l’insertion tant citoyenne que professionnelle.

En outre, la mise à disposition des moyens matériels et humains du service public pour ce partenariat avec l’IDE revient à financer des intérêts privés avec l’argent public. Alors que la formation continue est réduite, ne serait-il pas préférable de mobiliser IPR et enseignant·es pour des formations scientifiques et pédagogiques pluralistes ? Formations qui peuvent d’ailleurs utilement combiner des visites de terrain d’entreprises locales.

Aussi, l’APSES demande l’arrêt du partenariat entre l’Éducation nationale et l’Institut de l’entreprise, par le non-renouvellement de la convention qui s’achève en cette année scolaire 2023-2024. Cette proposition s’inscrit dans les objectifs du ministère pour cette rentrée, précisant que « l’École est et doit être un espace protecteur qui permette à chaque élève de devenir un citoyen libre, éclairé, doté des mêmes droits et devoirs et conscient de faire partie d’une même société. »

Nous restons naturellement à votre disposition pour échanger sur ces points, et nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de nos sentiments respectueux.

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