Tribune Apses – Il faut réécrire des programmes de SES

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Tribune

Lycée : il faut réécrire des programmes de sciences économiques et sociales

Une enquête lancée par l’Association des professeurs de sciences économiques et sociales (Apses) auprès des enseignants confirme que les nouveaux programmes de SES sont trop lourds et trop difficiles à suivre pour les lycéens.

Un an après la mise en œuvre des nouveaux programmes de sciences économiques et sociales de seconde et de première, l’association des professeur.e.s de SES (Apses) a initié une enquête-bilan auprès des enseignant.e.s de la discipline, à laquelle 753 d’entre elles et eux ont répondu. Ce retour du terrain, principalement quantitatif, et complété par des éclairages qualitatifs, permet de faire le point sur les difficultés pédagogiques induites par ces programmes.

Les résultats sont sans appel : au 16 mars, en seconde, et en première, seuls un peu plus de la moitié des chapitres et des objectifs d’apprentissages avaient pu être abordés par les enseignant.e.s dans leurs classes, alors que les deux tiers de l’année étaient déjà écoulés.

Des allègements urgents et indispensables pour les élèves

Ces résultats montrent clairement qu’indépendamment des conséquences du confinement, il aurait été impossible à l’immense majorité des enseignant.e.s de SES de traiter à temps les programmes tout en respectant les rythmes d’apprentissage des élèves, en variant les méthodes pédagogiques, en favorisant une réelle appropriation des savoirs… A moins de ne considérer les lycéen.n.es que comme des réceptacles passifs et « apprenants » qu’il suffit de remplir de connaissances !

Une pétition lancée par l’Apses en janvier 2020, soutenue par trois organisations syndicales (SNES-FSU, SNALC et SGEN-CFDT), visant à dénoncer l’excessive lourdeur des programmes et demander des aménagements a d’ailleurs recueilli plus de 1 500 signatures.

Outre leur lourdeur, les programmes induisent également des difficultés importantes de mises en œuvre dans les classes. Du point de vue des enseignant.e.s interrogé.e.s, de nombreux chapitres se caractérisent par un degré de technicité trop élevé par rapport au niveau des élèves, à ce stade de leur scolarité.

Cette technicité va de pair avec la difficulté à raccrocher les objectifs du programme aux questions vives du débat public. En seconde, le choix de faire entrer les élèves dans la discipline en commençant par un chapitre d’épistémologie apparaît particulièrement inadapté, alors que la consommation, finalité de l’activité économique, n’est plus abordée.

En première, la place très importante consacrée à un enseignement de micro-économie très formalisé, sur le modèle de ce qui est fait dans l’enseignement supérieur pose aussi particulièrement problème. Ce choix, couplé à une séparation disciplinaire stricte, ne permet pas aux élèves de donner suffisamment de sens à leurs apprentissages. Il n’est donc plus question par exemple d’aborder la monnaie dans ses dimensions économique, sociale et politique.

La faiblesse du volume horaire et des moyens

La faiblesse du volume horaire et la baisse des moyens alloués à l’enseignement des SES sont aussi majoritairement dénoncées par les enseignant.e.s interrogé.e.s. Ainsi, il devient difficile, faute de temps et d’heures à effectifs réduits, d’amener les élèves à assimiler de nombreux prérequis et savoir-faire méthodologiques (notamment mathématiques, épreuves du baccalauréat) du fait de la nécessité de condenser les apprentissages pour finir le programme.

En première, certains objectifs d’apprentissage occultent des controverses scientifiques importantes, offrant une vue partiale des enjeux aux élèves.

La volonté d’augmenter le niveau d’exigence des programmes aboutit à laisser sur le bord du chemin un nombre croissant d’élèves

En l’état, la volonté affichée d’augmenter le niveau d’exigence des programmes tout en les alourdissant et en les calquant sur les logiques d’enseignement universitaire aboutit à laisser sur le bord du chemin un nombre croissant d’élèves, et à abaisser le degré d’exigence attendu sur la maîtrise des contenus. Or, le lycée doit permettre à tous les élèves, en particulier les plus éloignés de la culture scolaire, de véritablement réussir, de se préparer aux études supérieures et de former leur esprit critique, grâce aux savoirs et méthodes en sciences sociales.

Ces difficultés, renforcées par la période de confinement, constituent autant de lacunes pour les élèves de première et de terminale de l’année scolaire 2020-2021 et font apparaître encore plus urgente et pertinente la demande d’allègement de programmes déposée par l’Apses auprès du ministère. Pourtant, le conseil supérieur des programmes a fait le choix de ne pas aménager les programmes, laissant les enseignant.e.s de SES gérer seul.e.s ce problème, sans aucun moyen supplémentaire, et dans un contexte de pertes d’heures pour les SES, et notamment d’heures à effectifs réduits.

Les SES ne sont d’ailleurs pas les seules concernées : les associations de professeur·e·s spécialistes se sont prononcées sur ce point dans un communiqué commun appelant à des aménagements de programmes.

Pour toutes ces raisons, l’Apses appelle à une réécriture complète des programmes, et persiste à demander des allègements conséquents dès cette année, d’autant plus urgents après une année scolaire 2019-2020 tronquée et dans un contexte sanitaire incertain.

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