L’APSES a mené une enquête auprès des enseignant·es de SES pour évaluer les effets de la réforme du lycée, trois ans après sa mise en place. Près 700 enseignant·es de SES, soit environ 15% des collègues, issu·es de 527 établissements différents y ont répondu dans le courant des mois d’octobre et de novembre 2022.

Pour consulter les résultats de cette enquête => la synthèse complète est disponible en PDF

Une enquête qui confirme la dégradation des conditions de travail

L’enquête confirme les résultats d’une précédente enquête, menée à la rentrée 2019 lors de la mise en place de la réforme du lycée. Le nombre d’élèves suivis par les collègues de SES a fortement augmenté. Les collègues de SES ont en charge, hors AP, en moyenne de 6,4 groupes d’élèves différents et 183 élèves, soit des groupes constitués en moyenne de 28,6 élèves. C’est en SES que les groupes d’élèves sont les plus chargés, comme le montre la DEPP dans une publication récente.
Surtout le nombre d’heures enseignées en groupes à effectifs réduits a continué à diminuer : plus de la moitié des collègues n’ont aucune heure en groupe à effectif réduit, alors que ce n’était le cas que de 15,7% des collègues en 2018-2019.
Au total, les collègues de SES enseignent en moyenne 2,2h devant des groupes à effectifs réduits, contre 3,81 heures en 2018-2019.
Depuis l’application de la réforme le nombre d’heures à effectifs réduits a donc été divisé par presque 2 en SES.
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Une dégradation des conditions de travail à tous les niveaux de classe
En seconde, si l’intégration des SES au tronc commun dans le cadre de la réforme a pu être vu comme une avancée, celle-ci s’est faite une au prix d’une dégradation significative des conditions d’enseignement en seconde. Ainsi 75% des collègues enseignent en seconde 1h30 en classe entière, alors que ce n’était que 49,3% en 2018-2019.
En première, l’évolution est encore plus négative puisque 82% des collègues enseignent dans un lycée attribuant 4h prof en spécialité SES en première, sans réduction d’effectif, alors que ce chiffre s’élevait à 67,4% en 2019-2020. Il n’y a plus que 6% des collègues qui bénéficient d’une heure de dédoublement en première alors que ce chiffre s’élevait à 10% en 2019-2020, et 40% en 2018-2019, avant la réforme. En 4 ans, la proportion de collègues bénéficiant d’une heure de dédoublement en première a donc été divisée par 6 !
En terminale, 78% des collègues enseignent en classe entière sans aucun dédoublement, et seuls 12% disposent de groupes réduits par rapport à la structure potentielle. 10% des collègues seulement bénéficient d’heures de dédoublement en terminale, alors que cette situation concernait une majorité de collègues avant la réforme.
De plus, en première comme en terminale, les élèves sont issus d’un nombre élevé de classes différentes. La situation la plus fréquente est un groupe de spécialité composé d’élèves venant de 5 classes différentes. Seuls 6% des collègues enseignent dans des groupes où les élèves sont issus d’une seule et même classe.
Cette baisse du nombre d’heures en effectifs réduits ou dédoublés entraîne à la fois un alourdissement significatif des conditions de travail des enseignant-e-s, et une dégradation notable des conditions d’enseignement pour les élèves, puisqu’elle rend beaucoup plus difficile la mise en place de méthodes actives, de pédagogies différenciées ou d’activités de remédiation avec les élèves. De même, le fait de devoir travailler avec des élèves issu-e-s d’un nombre de classes très important diminue la cohérence du groupe classe, rend très compliquée la possibilité d’exercer la fonction de professeur principal (il n’y a plus que 5,4% des collègues qui sont PP en première, contre 21,6% en 2018-2019 avant la réforme).

Une disparition de l’enseignement de la spécialité HGGSP
Si nous notions, dans notre précédente enquête, que les enseignant·es de SES avait été dépossédé·es de la spécialité HGGSP, on peut maintenant parler de disparition quasi-totale de la participation à cette spécialité. Alors qu’en 2019-2020, à la mise en place de cet enseignement, 17% des collègues en première participaient à cet enseignement, ils ne sont plus que 2,3% à intervenir en première. En terminale, moins de 1% des collègues participent à l’enseignement d’HGGSP, faisant de cette spécialité l’apanage exclusif des enseignant·es d’histoire-géographie.

Une dégradation des conditions de travail qui a un effet négatif sur la santé des collègues de SES
L’ensemble de ces effets de la réforme sur les conditions d’exercice du métier a des conséquences sur la santé et le rapport au travail des collègues de SES. Interrogé·es dans cette enquête sur trois questions posées dans les enquêtes sur les risques psychosociaux (RPS) liés au travail, les collègues de SES déclarent plus que le moyenne des salarié·es et des enseignant·es des facteurs de risques psychosociaux.
Ainsi, au cours des 12 derniers mois, 67% des collègues de SES déclarent être allé·es travailler tout en pensant qu’ils ou elles auraient dû rester à la maison parce qu’ils ou elles étaient malades, soit 10 points de plus que la moyenne des enseignant·es du second degré dans la dernière enquête de la DARES analysée par la DEPP en avril 2021 .
De même, alors que dans l’enquête de la DARES sur les RPS, 34% des enseignant·es déclarent que le travail a un effet néfaste sur leur santé, c’est 65% des enseignant·es de SES, soit presque deux fois plus. De même, 15% des collègues de SES déclarent avoir eu un arrêt de travail lié à leurs conditions d’exercice professionnel au cours de 12 derniers mois.
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C’est particulièrement vrai pour les femmes qui déclarent beaucoup plus fréquemment un effet néfaste sur leur santé, mais aussi être allées travailler en étant malades. Alors que 56% des hommes déclarent être allés travailler alors qu’ils étaient malades, c’est le cas de 74% des femmes. De même, alors que 53% des hommes enseignants de SES déclarent que le travail a un effet néfaste sur la santé, c’est le cas de 68% des femmes enseignantes de SES. Les femmes sont également plus nombreuses à déclarer avoir eu un arrêt de travail lié à leurs conditions d’exercice professionnel.

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