De la place de la science politique dans la réforme du baccalauréat – communique ANCMSP

11 avril 2018

Nous avons été interpellé.e.s dans les débats sur la réforme du baccalauréat et la place qu’elle réserve à la science politique. Nous saisissons cette occasion pour contribuer, après d’autres, à mettre en débat sur la liste ANCMSP certains des enjeux de cette réforme.

Les « sciences politiques » et la « géopolitique » font leur apparition dans les intitulés des spécialités d’enseignement qui seront proposées aux élèves du secondaire, d’après le projet de réforme du baccalauréat. Ces spécialités, au nombre de six, seront les principaux choix d’enseignements que devront effectuer les élèves : elles remplacent les séries. Le projet de réforme, dans sa version actuelle, propose d’un côté une spécialité « Histoire, géographie, sciences politiques et géopolitique » et de l’autre une spécialité « SES », ce qui vient raviver les tensions aux frontières thématiques et professionnelles entre « histoire-géo » et SES.

Les questions soulevées par cette réforme sont nombreuses et importantes. Comment penser l’articulation entre secondaire et supérieur ? Quels effets les réformes du secondaire ont-elles sur le supérieur ? Comment intégrer dans la formation des enseignant.e.s du secondaire les évolutions des croisements entre nos disciplines? Et comment prendre en compte les intérêts des élèves aussi bien en termes de connaissances que d’orientation ?

Détaillons-en quelques-unes:

  • Le contenu des enseignements : de notre point de vue, ni l’histoire, ni la géographie, ni l’économie, ni la sociologie ne peuvent être enseignées sans attention au politique. Les programmes de ces disciplines ne doivent donc pas se trouver amputés de leurs références aux enjeux politiques par un découpage des périmètres disciplinaires qui serait arbitraire, corporatiste ou idéologique (voir ce texte de S. Beaud). Soulignons (avec d’autres) le risque particulier que l’enseignement des SES au lycée ne finisse par se resserrer autour de l’enseignement de la microéconomie. À ce jour, aucun programme n’est établi et les commissions de rédaction des programmes ne sont pas encore stabilisées. Nous savons cependant déjà que la réforme prévoit que les cours de spécialité s’arrêtent très tôt, rognant ainsi au moins 20% des cours en SES sur le cycle terminal. Comme l’ASES, l’AECSP, l’APSES et Aggiornamento, nous appelons à ce que les programmes soient le produit d’une discussion étroite avec l’ensemble des disciplines et des acteurs concernés, au premier rang desquels les enseignant.e.s du secondaire – et ces programmes permettent aux lycéen.ne.s d’acquérir des outils solides et pluralistes d’appréhension de leur société, tels qu’ils sont produits à l’université (ou du moins tels qu’ils devraient l’être !).

  • La formation des enseignant.e.s en charge de ces spécialités : la science politique constitue aujourd’hui une option de l’agrégation en SES. Quelle place prendra-t-elle dans les concours de l’enseignement secondaire en histoire et en géographie ? De quelle science politique sera-t-il alors question ? Si la science politique sort du giron des SES, aura-t-on (encore) moins de postes d’enseignants secondaires ouverts en SES (cf. texte de S. Beaud ci-dessus) ?

  • Les responsables in fine des enseignements : le risque ici est que l’attribution des charges d’enseignement en « sciences politiques » (sic) et « géopolitique » soit décidée au cas par cas, dans chaque établissement. Aggiornamento et l’APSES appellent à ce que des arbitrages contraignants soient pris au niveau national. Nous les suivons sur ce point.

  • L’orientation des lycéen.ne.s : la science politique (IEP et universités) étant très demandée parmi les orientations dans le supérieur, les spécialités du bac dont l’intitulé contient « politique » pourront être perçues comme les plus favorables pour accéder à ces formations. Rattacher « les sciences politiques » et la « géopolitique » à l’histoire-géographie risque ainsi de dévaloriser les SES dans les choix de ces lycéen.ne.s

Plus largement, il nous semble nécessaire que l’ensemble des associations professionnelles des disciplines concernées se réunissent pour discuter en profondeur et de façon constructive des nombreux enjeux que soulève ce projet de réforme. Plutôt que subir une mise en concurrence entre nos disciplines, profitons de cette occasion pour débattre de ces questions que les associations professionnelles du supérieur en science politique ont historiquement négligées mais qui sont pourtant fondamentales. En attendant, nous relayons l’appel de l’APSES à manifester ce mercredi.

Le bureau de l’ANCMSP


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