Paris, le 28 janvier 2021
Le principe de réalité a rattrapé le Ministre de l’Éducation nationale : à seulement 5 semaines des épreuves écrites de spécialité du baccalauréat, il vient enfin de prendre acte de l’incapacité à les organiser en les annulant purement et simplement au profit du contrôle continu. Une décision bien trop tardive qui pose davantage de problèmes qu’elle n’en résout.
Le passage au contrôle continu, facteur d’inégalités
Le choix fait par le Ministre permet certes de soulager dans l’immédiat les élèves et leurs professeur.e.s, mais prendre en compte, à la place des épreuves écrites, les notes du contrôle continu de l’année de Terminale est très contestable. Cela consiste en effet à changer les règles d’évaluation du baccalauréat en cours d’année, alors même que les deux premiers trimestres se sont déroulés dans des conditions très particulières et variées en fonction des établissements, sans parler des acquis de première très inégalement assimilés.
Par ailleurs, ce contrôle continu entraîne de grandes disparités dans l’évaluation des élèves. Notre enquête le montre bien : les formes d’évaluation et leur nombre sont étroitement liés aux modalités d’enseignement depuis le retour des vacances d’Automne. Il ouvre aussi la porte à des tentations de bricolages locaux qui abîment encore un peu plus le caractère national du baccalauréat.
Reporter les épreuves en juin, comme le réclamait la pétition initiée en Novembre par la conférence des associations de professeurs spécialistes, était incontestablement la solution la moins inégalitaire et la plus susceptible de maintenir un degré élevé d’exigence vis-à-vis des élèves. Cela leur aurait donné le temps de s’approprier les notions des programmes et la méthodologie des épreuves du baccalauréat qui sont par ailleurs indispensables à leur réussite dans le supérieur.
L’absurde maintien du Grand oral en juin
En même temps, le Ministre annonce le maintien du Grand Oral alors que cette épreuve risque de mettre les élèves en très grande difficulté. Les attendus concrets restent en effet entourés de fortes incertitudes. Les enseignant.e.s y ont d’ailleurs été très inégalement formé.e.s, recevant des consignes différentes d’une académie à l’autre. En outre, l’importance donnée aux contenus disciplinaires n’est pas très claire et les recommandations diffèrent selon les textes, faisant craindre une évolution de l’épreuve vers un concours d’éloquence creux et superficiel. Évaluer surtout la dimension oratoire de cet oral va laisser la part belle aux inégalités liées au milieu social : l’enquête de l’APSES révèle qu’au 18 décembre 2021, seul.e.s 3% des enseignant.e.s avaient commencé à préparer le Grand Oral de façon régulière avec leurs élèves. Or, travailler sur « la fluidité du discours », « la richesse du vocabulaire », la capacité à utiliser « sa voix pour soutenir efficacement le discours », la prise de parole « de façon claire et convaincante », la « prise d’initiative » dans l’interaction avec le jury suppose de disposer de temps et d’effectifs réduits.
Au delà des effets de la crise sanitaire, une réforme qui dégrade les conditions d’apprentissage
Les problèmes évoqués ci-dessus ne sont pas simplement conjoncturels, mais renvoient à des failles structurelles de la réforme du lycée et du baccalauréat. En effet, l’organisation d’épreuves de baccalauréat en mars est pédagogiquement incohérente et incompatible avec une formation exigeante des élèves aux méthodes de l’écrit indispensables à leur réussite dans l’enseignement supérieur. D’autre part, la réforme dégrade les conditions d’apprentissage des élèves en réduisant la possibilité de travailler en groupes à effectifs réduits et en imposant des programmes bien trop lourds qui, au lieu d’élever l’exigence, favorisent le saupoudrage des notions et le bachotage.
Ainsi, dans l’intérêt des lycéen.ne.s, l’APSES demande :
• La suspension du Grand Oral pour la session 2021 du baccalauréat, le temps de reconfigurer cette épreuve, de réellement préparer les élèves et de former correctement les enseignant.e.s ;
• L’allègement des programmes dès la rentrée prochaine ;
• Le déplacement définitif des épreuves de spécialité de mars à juin à partir de l’année scolaire 2021-2022.
Parce que la société de demain se prépare aujourd’hui, l’APSES appelle à un véritable bilan et une remise à plat de la triple réforme du lycée, du baccalauréat et de l’orientation dans le supérieur.