Notes du bac : bidouillage organisé pour masquer la réalité

Paris, le 11 avril 2023

Les 20 et 21 mars 2023, les élèves de terminale en spécialité sciences économiques et sociales (SES) ont planché 4 heures sur l’un ou l’autre des sujets donnés cette année en fonction de leur date de convocation aux épreuves. Deux sujets pour un même bac : l’une des nombreuses absurdités du bac Blanquer, qui a donné lieu dans certaines académies à une procédure de remontée généralisée des notes.

Une harmonisation à la hache

Dans plusieurs académies, en effet, les correcteurs et correctrices de spécialité SES ont découvert stupéfait·es, vendredi, que les notes de leur lot de copie avaient été arbitrairement remontées par l’institution sans qu’ils et elles n’en aient été préalablement averti·es et sans explications quant aux justifications et aux modalités de cette augmentation des notes.

L’existence d’une procédure d’harmonisation n’est pas nouvelle. Elle consistait auparavant à étudier avec les correcteurs et correctrices les raisons pour lesquelles leur lot de copie pouvait avoir une moyenne « statistiquement anormale ». Il n’en est rien ici puisqu’il s’agit d’une remontée généralisée des notes, par lot entier. L’objectif : palier les différences de notation et de difficulté entre l’épreuve du jour 1 et celle du jour 2, nouvelle aberration générée par le bac Blanquer.

Quelle valeur pour ces notes de spécialité « harmonisées » ?

Faire passer les élèves d’une même spécialité sur deux jours avec des sujets différents implique nécessairement des niveaux de difficulté différents et des compétences diverses à mobiliser en fonction du jour de passage. Dans ce contexte, la volonté d’harmoniser les moyennes entre les jours 1 et 2 n’a pas de sens car les élèves n’ont pas été tou·tes été interrogé·es sur les mêmes points du programme. Mais surtout, le ministère omet volontairement que les élèves n’ont pas été aléatoirement répartis entre les deux jours (60% des élèves le jour 1, 40% le jour 2) et que les deux groupes peuvent présenter des caractéristiques sociales et scolaires différentes.

L’harmonisation en masse revient donc à fausser un peu plus la donne. Les notes de spécialité, censées jouer un rôle clé dans la sélection opérée via Parcoursup, n’ouvriront aux établissements de l’enseignement supérieur qu’une information très partielle et biaisée sur les acquis des élèves postulant dans leurs formations.

Ceci s’ajoute aux inquiétudes déjà formulées par plusieurs associations du secondaire et du supérieur en sciences sociales dans une lettre ouverte adressée à Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale et à Madame la Ministre de l’Enseignement supérieur le 27 janvier 2023.

Des remontées de notes qui masquent la dégradation des conditions de formation des élèves

Après six mois d’un bachotage absurde, sans avoir eu le temps de travailler pleinement les méthodes et d’intégrer réellement les apprentissages exigeants de programmes de spécialité démesurés, une partie des lycéen·nes sont arrivé·es aux épreuves écrites de mars avec des fragilités évidentes. Remonter ainsi les notes n’est pas leur rendre service : c’est construire l’illusion que ces élèves sont correctement préparé·es aux attentes du supérieur alors qu’on ne leur en a pas laissé le temps.

Cette procédure administrative de remontée de notes participe d’une nouvelle dévalorisation de notre métier. Elle abîme le sens de notre mission et l’engagement d’enseignant·es qui se sont consacré·es avec professionnalisme à ce travail de correction.

Il est donc plus que temps d’arrêter cette mascarade. Ce n’est ni aux élèves ni aux enseignant·es de payer les pots cassés d’une réforme absurde, construite contre l’avis unanime des professionnel·les de l’Éducation nationale.

L’APSES demande donc à nouveau :

– des épreuves finales de spécialité au mois de juin

– la remise à plat de la réforme du lycée et de la réforme du baccalauréat

– un programme adapté au temps d’apprentissage des élèves.

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