Il était nécessaire et souhaité par la profession mais le choix de faire disparaître des questionnements essentiels comme la justice sociale, les crises financières ou les inégalités scolaires inquiète. L’association des professeurs de sciences économiques et sociales demande que ces allègements soient rediscutés.

De quelle manière les pouvoirs publics peuvent-ils agir en faveur de la justice sociale ? D’où viennent les crises financières ? Peut-on mieux réguler le système financier pour en prévenir de nouvelles ? Comment expliquer les inégalités de réussite scolaire ? A la rentrée prochaine, ces questions ne seront plus abordées avec les lycéen·nes dans les cours de sciences économiques et sociales (SES).

Par un mail envoyé à la profession par les inspecteurs académiques, à l’aube, le lundi 24 juin, jour du début des épreuves de grand oral, le ministère de l’Education nationale a enfin acté des allègements pour le programme de la spécialité SES en terminale. Cette annonce, bien que tardive, constitue un immense soulagement pour l’ensemble de la profession qui se mobilisait pour des programmes moins lourds depuis leur publication en 2018.

Pour autant, décidée sans concertation avec les acteurs de terrain, de manière brutale et verticale, la solution choisie interroge et inquiète.

En effet, cet allègement, réalisé à la hache, conduit à la disparition de questionnements essentiels pour la formation citoyenne des élèves et aggrave le manque de pluralisme des programmes de SES.

Les sujets évacués : du système scolaire à la justice sociale

Parmi les objets d’étude ainsi évacués, on compte le chapitre sur l’Ecole, qui interroge le rôle que doit jouer le système scolaire dans une société démocratique et les inégalités qui le parcourent ; le chapitre sur les crises financières, pensé pour saisir, dans leur contexte historique, les mécanismes à l’origine de récurrentes crises économiques ; le chapitre enfin sur la justice sociale, qui permet de présenter les débats sur l’action des pouvoirs publics en matière de lutte contre les inégalités et les discriminations, et d’aborder les enjeux hautement démocratiques de la fiscalité, de la protection sociale et des services publics.

En supprimant ces thèmes pourtant au cœur des débats publics, le ministère appauvrit encore la formation intellectuelle des lycéen·nes et leur capacité à exercer une citoyenneté éclairée. Au lycée, les SES ont pour objectif d’appréhender la complexité des faits économiques et sociaux, de présenter les débats contemporains et de susciter des questionnements sur le fonctionnement de nos sociétés. En tant qu’enseignant·es de SES, nous voulons continuer à aborder les questions vives de façon rationnelle, dans un cadre pédagogique serein. Pour ce faire, nos élèves doivent pouvoir bénéficier d’un enseignement problématisé, pluridisciplinaire, pluraliste et ouvert sur le monde contemporain. Nos programmes actuels, allégés ou non, se sont éloignés depuis trop longtemps de ces principes.

Repenser les programmes de SES, une impérieuse nécessité, mais pas n’importe comment !

Forte de sa représentativité et de son expertise collégiale, l’Association des professeurs de sciences économiques et sociales (Apses) demande, en urgence, que les allègements (indispensables) des programmes, soient revus et rediscutés avec les enseignant·es de SES : l’Apses a formulé depuis longtemps des propositions pour alléger, sans priver les élèves des problématiques essentielles. Puis, dès la rentrée prochaine, nous appelons le ministère à ouvrir le chantier d’un travail de fond sur la réécriture de nos programmes. Nous veillerons au maintien du pluralisme et de la portée civique des savoirs scientifiques des programmes de SES, tout en limitant les contenus afin de permettre la mise en œuvre de démarches pédagogiques propices à une réelle appropriation par tou⋅tes les élèves.

Lire sur le site de Libération : https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/non-a-un-allegement-des-programmes-de-sciences-economiques-et-sociales-a-la-hache-20240702_KYK2MIGRCRHEJEEML55W3FUFVQ/?redirected=1

 

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