Compte-rendu de l’entrevue entre l’APSES et l’Inspection Générale de SES
Vendredi 18 décembre 2020
Étaient présent.e.s :
Pour l’Inspection générale :
Christophe Lavialle, doyen
Frédéric Carluer
Pour l’APSES :
Solène Pichardie, co-présidente
Benoît Guyon, co-président
Tiphaine Colin, membre du Bureau National
L’entretien a lieu en visioconférence de 11h à 12h.
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Benoît Guyon explique que lors de cet entretien seront présentés les premiers résultats de l’enquête lancée par l’APSES sur l’état d’avancement des programmes pour laquelle il y a déjà eu 1000 réponses en quelques jours.
Il rappelle les demandes de l’APSES :
– report des épreuves en juin (en restant sur les 8 chapitres obligatoires) ;
– aménagement des épreuves de baccalauréat ;
– suspension du grand oral : la formation des enseignants n’a pas eu vraiment lieu et la préparation des élèves ne peut correctement se faire. On déplore qu’il n’y ait pas de conseils pratiques sur « l’art oratoire », pas de formations uniformisées, notamment selon les disciplines. Nous ne demandons pas une suppression pure et simple, une épreuve orale ayant son intérêt dans le système scolaire, mais une suspension pour cette année le temps de préparer les élèves à cet exercice et d’en revoir la forme.
Épreuves du bac en mars et programmes
Christophe Lavialle :
- Sur le report des épreuves en juin, l’inspection générale n’est pas décisionnaire, elle peut seulement faire remonter les points de difficulté.
Si le ministre venait à changer de position (même si ce n’est pas dans l’air du temps), et si les épreuves devaient avoir lieu en juin, l’IG ferait remonter la pertinence à rester sur les 8 chapitres prévus à l’examen, et non sur les douze chapitres du programme, de manière à ce que cet éventuel report soit effectivement un desserrement de la contrainte de temps. En outre, les sujets sont déjà élaborés depuis novembre et en cours de relecture-signature rectorales et, surtout, concernent les 8 chapitres annoncés.
La position du ministre tient aussi aux compromis qui ont été passés. Comme le contrôle continu est attaqué dans son principe, le ministre met en avant que, même si le contrôle continu progresse dans l’évaluation finale, le nouveau Bac permet de prendre en compte, pour l’orientation post-bac des élèves, plus de notes issues d’épreuves nationales que l’ancien Bac. Précédemment, au moment du lancement de la procédure Parcoursup, hors l’épreuve anticipée de français, aucune note terminale ne pouvait être renseignée, et l’orientation se faisait sur la base des seuls livrets scolaires. Désormais ce n’est plus le cas, à la condition que les épreuves des EDS aient effectivement lieu avant avril. C’est pourquoi le ministre fait attention à ce que les sujets soient nationaux en mars, pour Parcoursup. Le ministre est attaché à un bac national. Encore une fois, cela ne préjuge pas des décisions qu’il est susceptible de prendre encore dans cette année particulière (et ce n’est pas à l’IG de se prononcer sur leur opportunité), mais cela explique sa position actuelle.
- Sur les aménagements des épreuves du baccalauréat, il y a deux questions.
- – D’abord celle du doublement des sujets. La position initiale de l’inspection générale de SES était de considérer qu’il n’y avait pas nécessairement lieu de doubler les sujets si l’idée était d’offrir un choix à l’élève, puisque nos sujets initiaux comportent déjà un choix (entre dissertation et EC). Puis, elle s’est rangée à la demande qui était faite d’élargir ce choix pour pallier la couverture peut-être inégale des 8 chapitres par les collègues. Cependant, au regard de l’avancement de la rédaction des sujets (qui étaient presque intégralement terminés par les commissions, qui ne devaient plus se réunir), il était trop tard pour doubler la dissertation, car nous travaillons depuis le printemps sur les sujets. Au regard de l’avancement des travaux, il était possible de doubler les EC, mais pas les dissertations Cela ne pourra donc plus évoluer plus sur ce point précis.
- Puis il y a la question de l’allégement des programmes. Pour l’IG de SES, On ne peut plus alléger les programmes évaluables maintenant. En effet, les sujets sont déjà élaborés et concernent les 8 chapitres.
Benoît Guyon : le problème c’est que cet aménagement des épreuves n’allège pas les programmes, cela donne certes un choix plus important aux élèves, mais si on fait des calculs de probabilité, on se rend compte que les 8 chapitres restent impératifs.
Et cela pose un problème d’égalité par rapport aux autres disciplines, qui ont doublé tous leurs sujets.
Christophe Lavialle : c’est vrai que cela n’allège pas le programme mais si certains chapitres sont traités même un peu rapidement, cela permet aux élèves de faire des choix. Ce qui est important dans un contexte où vous nous avez fait remonter que les élèves étaient moins préparés à la dissertation que les autres années.
Quant à l’argument de regarder ce qu’il se passe dans les autres disciplines, il a ses limites. En SES nous avons des critères très précis, des intitulés très normés, une dissertation avec des documents par exemple. Toute la philosophie des sujets est d’évaluer la maîtrise des savoirs et savoir-faire enseignés, en évitant tout élément « piégeant », que ce soit dans les intitulés ou dans le choix des documents. Cela implique un temps important pour élaborer des sujets (environ 6 mois). Ce qui rend complexe leur doublement en quelques semaines.
Frédéric Carluer : nous avons fait en sorte que la très grande majorité des sous-épreuves porte sur des chapitres différents. A chaque fois, ce sont au moins 6 ou 7 chapitres qui sont concernés dans les 3 sujets. Si l’on prend la dissertation et les 2 EC3, cela fait 3 chapitres systématiquement différents qui sont offerts à l’arbitrage de l’élève. Cela donne une vraie liberté de choix.
Solène Pichardie : des collègues nous ont fait remonter qu’il n’y a pas de garantie qu’un même chapitre ne puisse pas tomber dans les deux épreuves composées et que la consigne donnée par leur IPR est de boucler les programmes.
Christophe Lavialle : c’est vrai que quand on a bouclé les sujets, la commande était de ne pas alléger les programmes.
Frédéric Carluer : concrètement, dans les sujets, il n’y a presqu’aucun recouvrement, on peut presque l’affirmer, il n’y a presque jamais deux fois le même chapitre (y compris dans les 3 sous-épreuves de chacune des deux EC) sur la quarantaine de sujets confectionnés (métropole, outre-mer et centres français à l’étranger).
Benoît Guyon : nous insistons sur la nécessité d’aménager davantage les épreuves, car on est dans une année exceptionnelle.
Frédéric Carluer : au-delà de la réussite au bac, il faut que les élèves aient des acquis minimum non seulement pour la poursuite de leurs études dans le supérieur, mais il importe aussi que tous les OA soient traités pour réduire les inégalités face aux sujets du bac lui-même.
Solène Pichardie : oui, nous sommes d’accord, et on traite les OA avec les élèves, mais ils n’acquièrent pas correctement les contenus et les méthodes car nous sommes obligés d’aller trop vite, de dire aux élèves qui ont des questions que nous ne pouvons pas leur répondre par manque de temps. Nous sommes d’accord avec vous sur les exigences à garder, nous sommes pour un enseignement exigeant, mais comme le programme est trop lourd et qu’on doit avancer très vite pour un bac en mars, les élèves ne peuvent pas suivre.
Nous avons été reçus par la DGESCO il y a deux semaines et quand nous avons parlé des difficultés à alléger en SES, car nous ne prenions pas tous le programme dans le même ordre, E. Geffray nous a parlé de « cœur de programme ». Nous lui avons dit que ce n’était pas possible en SES, et il nous a alors renvoyés à vous, notre inspection.
Nous sommes d’accord que le « cœur de programme » en SES, cela n’existe pas ?
Christophe Lavialle : oui, nous sommes d’accord. Nous sommes bien sur 8 chapitres pour mars.
Solène Pichardie : C’est vraiment utile que vous donniez clairement cette information. Donc nous avons bien les 8 chapitres à faire. Car certains collègues pouvaient avoir en tête de se concentrer sur 6 seulement.
Grand Oral
Benoît Guyon : Pour le grand oral, les collègues sont très inquiets, ils ne peuvent pas préparer leurs élèves, et les formations ont à peine commencé, avec des inégalités d’une académie à l’autre, ou d’une discipline à l’autre.
Solène Pichardie : quelle est la place pour les contenus disciplinaires ? Car la FAQ du ministère indique qu’il faut terminer le programme tout en préparant le Grand Oral, alors que dans un 1er temps on nous avait dit que finir le programme ne serait pas la priorité.
Christophe Lavialle : La note de service sur le Grand Oral est attendue pour février-mars. Dans l’attente, les informations sont transmises par la FAQ, ce qui n’est certes pas idéal.
J’ai l’impression qu’on se sert d’un même instrument pour atteindre plusieurs objectifs : le grand oral est aussi utilisé avec pour objectif le maintien de la motivation des élèves après les épreuves écrites or c’est dommage, car l’objectif initial du grand oral est de montrer que l’on sait argumenter, il n’est pas conçu pour être disciplinaire.
Mon message est : il y a un programme officiel de 12 chapitres, il faut faire en sorte que ces 12 chapitres soient abordés dans la perspective de la poursuite d’études.
Le grand oral peut en partie être préparé « chemin faisant » en donnant plus de place à l’oral au sein de vos cours. Peut-être en faisant des évaluations sur l’oral après mars.
Frédéric Carluer : Il est important, sur cette période du printemps (avec 6h hebdomadaires), que les élèves puissent par exemple réaliser quelques recherches thématisées en amont du cours et les présenter sous forme de courts exposés, que le professeur puisse ensuite à partir de ce premier matériau organiser des reprises sur les fondamentaux, faire des ré-ajustements.
Solène Pichardie : travailler l’oral et faire des exposés cela fait partie de nos pratiques habituelles. Mais comme les écarts se sont creusés cette année, avec le confinement, il y a moins de place pour mettre en œuvre des activités liées à l’oral. Et avec la réforme nous avons perdu nos groupes à effectifs réduits et de l’AP. Nos conditions d’enseignement se sont dégradées. Faire des exposés, de la préparation à l’oral, c’est devenu très compliqué, ce n’est pas possible de faire passer tous les élèves tout en continuant le reste, en réalité on n’a pas le temps.
Benoît Guyon : des pratiques pédagogiques actives ne sont pas la même chose que de préparer au grand oral. Les compétences à mettre en œuvre sont différentes.
Christophe Lavialle : Il faut entraîner les élèves, par exemple en les faisant s’exprimer sur un thème préparé, 5 minutes sans support, « chemin faisant ».
Benoît Guyon : nous avons déjà des contraintes supplémentaires, le programme à faire pour mars, et beaucoup d’établissements sont en 1/2 groupes et avancent moins vite.
Christophe Lavialle : vous n’êtes pas les seuls à entraîner les élèves à l’oral, les autres disciplines le font aussi. Vous pouvez faire des interros flashs de 5 minutes. Nous savons que cette année ne sera pas une année parfaite.
Benoît Guyon : savez-vous quand les choix de sujets des élèves pour le Grand Oral devront être remontés aux divisions des examens dans les rectorats ? En avril ? Nous craignons que cela arrive trop tôt.
Christophe Lavialle : nous n’avons pas d’informations sur la date de remontée des sujets, je vais me renseigner et reviendrai vers vous.
Rien ne vous empêche de déjà parler aux élèves du Grand Oral, du choix de sujet. Il ne faut pas attendre le mois de mars pour parler de ça. Proposez aux élèves des questions possibles. Nous sommes en train de travailler sur des exemples de sujets à diffuser.
Benoît Guyon : nous avons donc un seul instrument (6h de cours) pour plusieurs objectifs.
Présentation des premiers résultats de l’enquête (941 réponses 2/3 d’adhérents 1/3 de non adhérents)
Solène Pichardie présente les résultats à ce stade de l’enquête (partage des fichiers). Elle précise que :
– les résultats vont au-delà de ce qu’on avait imaginé en termes de retard : plus de 2/3 des collègues ont traité 4 chapitres ou moins.
– sur les conditions d’enseignements quasi aucun dispositif n’a été mis en place pour rattraper le confinement. Les HSE affectées aux établissements n’ont souvent pas été utilisées, car les groupes de spécialité sont faits de regroupements de plusieurs classes, donc il n’est pas possible de trouver des créneaux dans les emplois du temps. Les collègues n’ont pas pu revenir sur les éléments de Première qui n’ont pas été vus.
– 2/3 d’enseignement hybride, 1/3 présentiel à 100% : inégalités dans les conditions d’apprentissage.
Benoît Guyon : quelles sont les consignes cette année pour l’« évaluation en distanciel » ? Les notes ont-elles le même statut que les notes de confinement du troisième trimestre de l’année dernière ?
Christophe Lavialle : cela n’a pas encore été arbitré.
Solène Pichardie : certains IPR font remonter que c’est possible de faire des évaluations notées (qui comptent dans la moyenne des élèves) en distanciel.
Christophe Lavialle : je vais me renseigner pour les évaluations en distanciel.
Concernant les progressions, les IPR nous ont aussi fait remonter que les collègues en sont à peu près à 4 chapitres.
Solène Pichardie : les programmes ne seront pas traités dans leur intégralité (8 chapitres) pour mars, sauf dans certains établissements. Il y a inégalité.
Frédéric Carluer : d’habitude aussi le programme n’était pas intégralement traité par une partie des enseignants (avec ou non une remise de polycopiés en juin). Il y avait donc déjà des inégalités malheureusement. Cependant, certains collègues finissaient en avance le programme et parvenaient à organiser une semaine de révision avant le bac, et cela créait aussi des inégalités car tous les établissements ne le faisaient pas. Sur ce point, la forte contrainte temporelle (d’une épreuve de bac en mars), de cette année très spéciale, réduira un peu les inégalités entre les deux extrêmes.
Solène Pichardie : Le programme était traité dans la grande majorité des cas, habituellement. Et on ne découvre pas les inégalités. Mais elles se sont aggravées. C’est massif et bien plus fort qu’avant.
Benoît Guyon : les derniers chapitres vont se terminer en polycopiés, c’est très dur pour beaucoup d’élèves.
Tiphaine Colin : habituellement on pouvait donner quelques polys certes, mais en fin d’année, pas en février-mars, les élèves avaient eu le temps d’assimiler des connaissances et des méthodes pour se débrouiller aussi un peu mieux avec des polys, ce ne sera pas le cas cette année, ce sera très dur pour les élèves déjà en difficulté, alors qu’habituellement ils s’en sortent en travaillant.
Solène Pichardie : on s’est rendu compte que même si on avait eu la possibilité d’alléger le programme cela n’aurait pas suffi car, en plus, les méthodes ne sont pas correctement travaillées. Plus de 74 % des collègues n’ont jamais donné de dissertation à leurs élèves en DS. 40 % des collègues n’ont pas commencé à travailler la méthode de la dissertation.
Cela montre aussi que c’est très compliqué de faire des dissertations car on ne peut plus organiser des créneaux de 4h (regroupement de classes), et il y a une forte pression des chefs d’établissement car si on organise un bac blanc, cela ralentit encore la progression dans les programmes. Dans la moitié des cas, les élèves n’auront jamais fait un devoir sur table de 4h avant mars.
Même sur l’Epreuve Composée ce n’est pas si évident que ça, 50 % des collègues répondent qu’ils ont fait juste 1 évaluation d’EC3. Avec la pression sur les programmes, on a dû laisser de côté les méthodes d’argumentation.
Et une grande partie des élèves n’a jamais fait de dissertation.
La seule solution c’est le report en juin, car même s’il y a plus de choix dans les épreuves, les méthodes ne seront pas acquises de toute façon.
Benoît Guyon : Les élèves ne sont pas bien préparés actuellement. La solution de la « bienveillance » dans les critères d’évaluation au bac n’est pas acceptable, alors qu’élèves et professeurs seront sous pression jusqu’en mars. C’est en contradiction avec les exigences affichées par ailleurs, et l’ambition de la réforme de limiter le bachotage.
Solène Pichardie : pour le Grand Oral, 64,9 % des collègues répondent qu’ils n’ont pas commencé à le travailler.
Nous vous enverrons les résultats de l’enquête dès que nous aurons davantage de réponses.
Christophe Lavialle : c’est assez congruent avec ce que les collègues IPR nous font remonter. Nous en prenons note, et nous en ferons l’écho. Mais les décisions ne nous appartiennent pas.
La Réunion
Solène Pichardie : dans l’académie de La Réunion les épreuves auront lieu les 24 et 25 mars, ce qui laisse très peu de temps pour corriger, y aura-t-il des dispositifs particuliers ?
Et pour le CAPES interne certains avaient engagé des frais pour venir le passer en métropole, cela leur sera-t-il remboursé ?
Christophe Lavialle : Nous allons demander.
Fiches Eduscol
Benoît Guyon : sur le site Eduscol, 3 chapitres attendus pour mars ne sont toujours pas en ligne.
Christophe Lavialle : les fiches sont prêtes mais c’est en attente de publication. Il y a une procédure de validation par le Cabinet.
L’entrevue se termine à 12h.