Entrevue entre l’APSES et l’Inspection générale le 27 mars 2020

 

Etaient présent.e.s lors de cette entrevue :

– Marc Pelletier, doyen de l’Inspection générale de SES

– Christophe Lavialle, inspecteur général de SES

– Benoît Guyon et Solène Pichardie, co-président.e.s de l’APSES

La rencontre, très cordiale, s’est déroulée par visioconférence et a duré 2 heures. Le compte rendu a été soumis à nos interlocuteurs, qui ont confirmé sa fidélité aux propos échangés.

 

  1. Sur la continuité pédagogique en période de confinement

Activités pédagogiques pendant le confinement

L’APSES fait remonter les nombreuses questions concernant le contenu et les conditions dans lesquelles se déroule cette continuité pédagogique. Dans les fiches EDUSCOL, il existe des injonctions contradictoires (considérer que les épreuves du bac auront lieu mais ne pas introduire de nouvelles notions) et cela aboutit à des recommandations des IPR très différentes selon les académies.

Pour l’IG, les discours des IPR peuvent être différents selon les disciplines car ils ne s’expriment pas toujours sur les mêmes niveaux d’enseignement. Il faut avoir des objectifs modestes et valoriser la consolidation de savoirs et savoir-faire déjà traités en classe mais les exigences concernant la continuité pédagogique ne sont pas les mêmes s’il s’agit de classes à examen ou pas. Si le confinement dure, il faudra avancer dans les programmes, par exemple en classe de terminale.

L’APSES précise qu’il serait plus raisonnable de ne pas demander aux collègues d’avancer dans les programmes à la fois parce qu’il existe des inégalités très fortes entre les élèves qui sont renforcées par la classe à distance (certains élèves ne disposent pas des conditions qui leurs permettent de travailler) et cette hétérogénéité sera bien difficile à gérer à la rentrée (il faudra tout reprendre avec certains élèves et poursuivre les programmes). Dans le contexte de la crise sanitaire, le retour en classe des élèves et des enseignants risque d’être déjà bien compliqué.

L’IG répond qu’il faut en effet être extrêmement prudent, s’adapter aux élèves. Il faut effectivement veiller à ne pas accroître les inégalités, notamment pour les élèves dont l’accès aux ressources numériques est limité. Il n’est pas toutefois certain que ce soit contre-productif d’avancer dans les programmes avec toutes les précautions pour ne pas « perdre » les élèves. Si on n’avance pas dans les programmes, il pourra être difficile de maintenir l’attention des élèves. L’IG souligne qu’elle est consciente que le travail effectué en ce moment par les enseignants est conséquent.

Notation pendant le confinement

L’APSES souligne le fait que les collègues reçoivent également des informations différentes concernant la notation des élèves pendant la période de confinement et rappelle que les conditions d’une notation équitable ne sont pas toujours réunies.

L’IG rappelle que les élèves doivent continuer à être évalués dans le cadre de la continuité pédagogique (travail demandé aux élèves et retours sur ce travail par exemple) mais qu’il n’y a pas d’exigences concernant la notation. L’évaluation permet de réguler les apprentissages , et ne passe pas nécessairement par la note.

(Le ministère a depuis l’entretien indiqué que les éventuelles notes reçues lors du confinement ne seront pas prises en compte dans le contrôle continu : https://www.education.gouv.fr/bac-brevet-2020-les-reponses-vos-questions-303348 )

 

Question des vacances pendant le confinement

L’IG rappelle que les décisions sur ce point sont prises par le Ministère et que les congés ne sont pas remis en cause. Les vacances restent donc des vacances mais Jean-Michel Blanquer a précisé qu’elles devraient quand même être « studieuses » pour les élèves.

Ressources d’accompagnement en période de confinement

L’APSES fait part des remarques des collègues concernant les ressources officielles mises à disposition.

En SES sur le site du CNED, les chapitres sont parfois nommés « sciences économiques » et pas SES. En Première, seuls des chapitres d’économie ont été mis en ligne. En revanche, pour le niveau Seconde, la présentation est équilibrée entre les disciplines.

Les ressources du Collège de France qui ont été transmises par beaucoup d’IPR ne concernent que les chapitres d’économie.

L’IG précise que pour le site du Collège de France, les chapitres seront bientôt publiés pour la sociologie. La mise en ligne est imminente mais le contexte fait que ce travail est retardé aussi. Il ne faut pas avoir de suspicion sur un intérêt plus important pour l’économie : la parité éco / sciences po socio est respectée et défendue fortement par l’IG.

 

  1. Bac 2020

Pistes concernant le maintien ou l’annulation des épreuves ?

L’APSES fait part des discussions nombreuses qui ont lieu entre les collègues et précise que dans le contexte actuel, les épreuves ne peuvent être maintenues en l’état.  Au mieux, les élèves auront raté 5 semaines de cours et pendant ce temps, il aura été très difficile d’avancer  sur la méthodologie des épreuves (de l’écrit et de l’oral) et sur les programmes.

L’APSES souligne l’urgence d’une prise de décision sur ce point afin que les collègues y voient clair et qu’il n’y ait pas trop de pression sur la continuité pédagogique et rappelle les limites des différentes options qui pourraient être envisagées (contrôle continu, épreuves à l’oral, etc.)

L’IG répond que c’est le Ministère qui a la main et que pour l’instant aucune décision n’a été prise.

Les décisions sont désormais connues : https://www.education.gouv.fr/bac-brevet-2020-les-reponses-vos-questions-303348

 

  • Epreuves de première : E3C

Tenue des épreuves « E3C-2 »

L’APSES rappelle qu’elle s’oppose au maintien de ces épreuves. Si elles l’étaient, elles devraient a minima être aménagées (sujets pouvant être scindés, etc.)

L’IG répond que le Ministre a déjà fait des annonces concernant les E3C, dans une lettre au Comité de suivi de la réforme (assouplissement du calendrier, épreuves moins formelles). Concernant cette session, toutes les options sont sur la table (report, annulation, etc.) mais qu’il faudra certainement des aménagements car cela risque d’être très tendu dans les établissements au retour du confinement : avec les concours de recrutement pour les collègues, etc. Si ces épreuves ne se tenaient pas, une question resterait en suspens : comment évaluer les élèves qui abandonnent la spécialité si on annule les E3C-2 ?

Les décisions sont désormais connues : https://www.education.gouv.fr/bac-brevet-2020-les-reponses-vos-questions-303348

 

Sujets de la BNS

L’APSES fait plusieurs remarques :

  • Leur nombre est insuffisant (37) alors même que certains chefs d’établissement demandent déjà aux collègues de les choisir.
  • Il existe des déséquilibres importants dans la représentation des disciplines et des chapitres : par exemple, 62 % des sujets de la partie 1 portent sur l’économie, et cela s’inverse pour la partie 2. Le chapitre 1 sur le marché est surreprésenté dans les sujets de partie 1 (54% des sujets qui portent sur la partie « économie » du programme  interrogent les candidats sur le chapitre sur le marché concurrentiel).

L’ IG répond qu’il y aura au final 134 sujets (dont 90 sujets originaux) et que les sujets qui ont été mis en ligne l’ont été de façon aléatoire. Tant que tous les sujets ne sont pas en ligne, on ne peut pas en tirer de conclusion. Un bilan de la banque sera fait et il y aura des ajustements si besoin. Les sujets ont été faits par les collègues, pas par l’Inspection toute seule.

  • Les exigences des sujets sont trop importantes pour 2 heures d’épreuve.

L’IG répond que cela ne correspond pas aux retours de terrain dont elle dispose. Il appartient aux correcteurs d’être modérés et raisonnables dans les attentes. Les E3C sont trop souvent assimilées à un examen : les collègues projettent les mêmes attentes que celles du bac alors que ça n’est pas cela. Un document très simple à l’attention des élèves sera bientôt publié avec des conseils, des éléments pour cadrer les attentes de chaque partie.

(https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Annales_zero_BAC_2021_1e/32/7/S0BAC21-1e-SPE-SES-criteres_evaluation_reussite_1266327.pdf)

 

  • Le niveau de difficulté est très hétérogène et on ne sait pas toujours quelles sont les attentes précises pour certaines questions.

L’IG répond que tous les sujets ne sont pas normés en termes de niveau de difficulté dont l’appréciation peut être au demeurant très relative. C’est pour le moment normal et un peu inévitable, c’est un premier exercice, difficile, avec de nouvelles attentes. Des ajustements auront lieu si besoin. Le choix a été fait de ne faire que des questions à 3 ou 4 points, pour que les élèves ne jouent pas une grande partie de l’épreuve sur une question. Globalement les attentes sont les suivantes :

Q1 : connaissances pures en lien avec le chapitre du programme correspondant au document

Q2 : traitement de l’information

Q3 : essayer de relier les connaissances et le traitement de l’information

  • Les attentes sur les représentations graphiques ne sont pas toujours claires et dans certains sujets on donne 3 points pour tracer une droite : quel intérêt pédagogique ?

IG répond qu’en effet, si on demande juste de tracer une droite, l’intérêt est faible. Mais, normalement, il y a tout le temps un élément qui conduit à une interprétation. Ce n’est jamais le « graphique pour le graphique ». En classe, il ne faut pas traiter ces éléments de manière désincarnée, abstraite, c’est encore trop souvent le cas.

  • Les attentes sur les calculs ne sont pas bien définies

L’IG répond qu’il faut transformer la donnée pour la faire parler : on est sur des calculs extrêmement modestes.

  • Dans les sujets, la représentation de marchés fictifs de biens réels peut opérer chez les élèves une confusion entre le réel et le modèle.

L’IG répond qu’elle n’est pas convaincue que cela soit en mesure de perturber les élèves dans ce contexte de l’examen.

L’APSES souligne le fait que même si cela n’amène pas les élèves à répondre de manière erronée aux questions, cela peut poser un problème pour leur formation intellectuelle.

  1. Épreuves prépas 

L’APSES demande ce qui est envisagé pour l’instant.

L’IG répond que pour l’instant seul le report à une date indéterminée a été décidé. Les décisions sont en préparation.

  1. Epreuves du CAPES

Les décisions sont en préparation.

  1. Nouvelles épreuves de Terminale bac 2021

Forme des épreuves :

L’APSES rappelle la position de l’association concernant les épreuves de terminale (critiques de l’EC1 qui repose uniquement sur la mobilisation des connaissances, critiques des intitulés d’EC qui empêchent les sujets débat, évolution positive de l’EC2, etc.).

L’IG précise que les épreuves ont très peu évolué et reproche à l’association de véhiculer un discours biaisé sur les épreuves de baccalauréat, en particulier quant à l’impossibilité de conduire des débats. De nombreux chapitres du programme invitent à de mener des débats (ou des argumentations nuancées) ; des sujets de type débat sont tout à fait possibles en dissertation et les raisonnements (EC3) peuvent donner lieu à des argumentations nuancées. L’EC2 est modifiée. Elle sera désormais notée sur 6 points (l’EC1 sur 4 points et l’EC3 sur 10 points). Elle repose sur l’étude d’un document à partir de deux questions. La première question teste la compréhension du document. La seconde question est explicative : l’élève doit exploiter le document et expliquer en mobilisant ses connaissances. Le recours à ses connaissances n’est pas déconnectée de l’exploitation du document.

 

L’APSES demande si les intitulés de sujets ressembleront aux intitulés actuels.

L’IG répond que oui. Un seul changement est à signaler : le texte de cadrage ne comprend plus la mention « figure explicitement dans les IC » afin de se donner un peu plus de latitude dans la conception des sujets mais les intitulés resteront très ancrés sur les objectifs d’apprentissage. Il s’agit de clairement limiter le champ des sujets aux contenus effectifs du programme (comme c’est le cas depuis 2013). Pour l’intitulé de l’EC3, la logique est la même qu’auparavant : les sujets commenceront par « vous montrerez que… » et on attendra un raisonnement qui n’exclut pas certaines nuances, mais il n’est pas possible de demander une réflexion comme pour la dissertation.

Sujets zéro

L’IG annonce que les sujets sont prêts, et qu’ils seront publiés d’ici la fin de l’année scolaire.

 

  • Programmes de Terminale + Seconde/première

Chapitres tournants et nombres de chapitres à traiter avant mars

L’APSES rappelle que traiter 8 chapitres avant mars semble beaucoup trop. En effet, les chapitres traités en début d’année nécessitent plus de temps qu’en fin d’année. La solution serait d’alléger le programme en réduisant les objectifs d’apprentissage à l’intérieur des chapitres (demande portées par de nombreux collègues). L’APSES demande par ailleurs quelle est la position de l’IG concernant les demandes d’allègement des programmes sur les 3 niveaux.

L’IG répond qu’elle n’a pas été saisie par le Ministère ou par le Conseil supérieur des programmes de cette question. Comme tout le monde le conçoit aisément, l’écriture des programmes est un exercice difficile, avec beaucoup de contraintes. L’IG rappelle qu’une partie des difficultés ne tient pas aux programmes mais à une perception très extensive du programme par les collègues qui développent des éléments non indispensables pour que les élèves comprennent. Il faut encore travailler à expliciter plus clairement les attentes et toujours mieux accompagner les collègues (c’est le travail que mène l’inspection). Il existe des marges de manœuvre pour traiter les programmes dans les temps impartis, par exemple en s’interrogeant sur le nombre de documents choisis pour faire travailler les élèves et en limitant plus clairement les apprentissages aux attendus des programmes.

L’IG regrette que l’APSES soit dans une posture de critique qui dévalorise souvent la discipline sans faire de réelles propositions. Les nouveaux programmes comportent des avancées importantes, notamment : parité science économique / sociologie-science politique ; actualisation des contenus ; délimitation plus claire des apprentissages.

L’APSES rappelle qu’elle a transmis à l’IG des propositions d’allègements sur les trois niveaux. L’APSES considère que le programme est trop lourd en soi, même si on se réfère strictement aux objectifs d’apprentissage. Un vrai travail d’analyse des programmes et de leur mise en œuvre a été mené par l’association, même s’il était contraint par le calendrier de la réforme.

L’APSES considère que l’organisation en années paires/impaires contraint fortement les progressions des collègues et produit des incohérences. De plus, se pose toujours la question des conditions dans lesquelles sera traitée la fin du programme après mars.

L’IG précise que l’organisation en année paires/impaires vient de l’organisation des épreuves de spécialité à la fin mars et qu’elle s’applique à plusieurs disciplines.

 

  • Grand oral

L’ APSES rappelle qu’en l’absence d’une vraie préparation avec un horaire dédié, cette épreuve sera socialement discriminante. Par ailleurs, le texte de cadrage de l’épreuve pose de nombreux problèmes, notamment dans la partie qui porte sur l’évaluation du projet de formation de l’élève qui ouvre la voie à des inégalités très fortes entre les élèves. Seuls les savoirs et compétences disciplinaires devraient être évalués dans cette épreuve.

L’IG précise que les modalités de préparation du Grand oral seront à penser au sein des établissements et qu’elle  est destinée à se faire sur les trois années du lycée. Un document d’accompagnement sera certainement proposé par la Dgesco. Les préoccupations de l’APSES sont légitimes. Un accompagnement des équipes et des formations nationales et académiques seront proposées. Il faut se donner les moyens dans les établissements de bien préparer les élèves et de les accompagner dans leur projet de formation. Dans l’évaluation, les jurys devront faire preuve de modestie et de bienveillance.

 

  1. Place des SES dans la réforme

 

L’APSES demande quel est le bilan de l’IG après quelques mois d’application de la réforme.

L’IG précise qu’il est délicat de le faire à ce moment de l’année. Toutefois, quelques éléments se dessinent : on observe un bon degré d’attractivité des SES (avec des différences marquées selon les établissements ou les académies), davantage d’élèves suivent des cours de SES et la discipline plaît. Les collègues semblent trouver le programme attractif, parfois trop lourd. Il existe des difficultés (et des ajustements ont été proposés par le comité de suivi de la réforme) mais ces difficultés ne sont pas liées à la place des SES dans la réforme et au lycée, cette place est consolidée. La réforme du lycée est une réforme de structure qui modifie en profondeur l’organisation du lycée et peut conduire à des évolutions qui concernent l’ensemble des disciplines et des professeurs, par exemple sur le groupe-classe et les conseils de classe. 

L’APSES rappelle qu’il y a en effet davantage d’élèves qui suivent des cours de SES en Première, mais que cela se fait dans des conditions très dégradées (moins d’heures, pertes de dédoublements, etc.). Par ailleurs, les choix des spécialités révèlent des inégalités très marquées selon le genre et le milieu social. Ensuite, en classe de seconde, la place des SES et les conditions d’enseignement ne sont pas favorables. Le passage des SES dans le tronc commun s’est pas traduit par une amélioration des conditions d’enseignement. L’horaire d’1h30 reste très insuffisant et les collègues qui suivent beaucoup de classes de seconde ont des conditions de travail très difficiles. Enfin, la réforme s’est traduite l’année dernière par un nombre important de suppressions de postes en SES et les premières estimations dont nous disposons dans certaines académies laissent penser que ces suppressions se poursuivent pour la rentrée prochaine.

L’IG souligne le fait que les suppressions de postes sont liées à à certains effets induits par la réforme : redéploiement de postes entre les établissements et redistribution des moyens vers d’autres niveaux d’enseignement comme le primaire. Il faut être prudent sur les chiffres de suppressions de postes ou de BMP car les informations sont encore partielles et la situation peut évoluer. L’IG regrette la situation de collègues qui interviennent uniquement sur la seconde et il convient de ménager un équilibre dans la répartition des services. Il faut se féliciter que les SES soient de nouveau dans le tronc commun en classe de seconde, bien sûr on pourrait tous souhaiter un volume horaire plus conséquent mais il faut tenir compte des contraintes qui pèsent sur le lycée et son organisation.

  1. Ressources sur les nouveaux programmes

L’APSES demande la date prévisionnelle de publication des fiches EDUSCOL.

L’IG répond qu’elles le seront le plus vite possible mais qu’il faut tenir compte du contexte. Le timing prévu est une mise en ligne en juin.

 

  1. Nouveau doyen du groupe SES de l’inspection générale

 

Pour conclure cette entrevue, l’inspection générale informe l’APSES qu’à compter du premier avril, Christophe Lavialle assumera les fonctions de doyen de l’inspection générale de SES, en remplacement de Marc Pelletier en partance vers le Conseil d’Evaluation de l’Ecole.

 

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