Par David Bensoussan, le 02.09.2019 à 13h05
Les nouveaux programmes de SES de seconde et de première, élaborés par un groupe de travail piloté par l’économiste Philippe Aghion, suscitent les critiques des professeurs.
C’est l’une de ces querelles quasi théologiques dont la France a le secret. Comment enseigner les sciences économiques et sociales aux lycéens ? Le patronat a l’habitude de dénoncer le manque de culture économique des Français et une vision faussée des entreprises. De leur côté, les professeurs voient dans ces critiques récurrentes une volonté d’imposer un libéralisme échevelé aux élèves. La rentrée 2019 n’échappe pas à la polémique, avec la mise en œuvre des nouveaux programmes de seconde et première.
La dernière réforme remontait à 2010 suite à un rapport de Roger Guesnerie, professeur au Collège de France. L’an passé, l’exécutif a de nouveau fait appel à la vénérable institution fondée par François 1er et confié le pilotage d’un groupe de travail à deux de ses économistes, Pierre-Michel Menger et Philippe Aghion, proche d’Emmanuel Macron. » On ne s’est pas posé de questions idéologiques, on a voulu mettre au niveau du secondaire l’économie telle qu’elle s’enseigne dans les meilleurs endroits du monde, avance Aghion, réputé pour ses travaux sur la croissance. Pour cela, il est important de donner aux lycées des fondements microéconomiques solides. »
Les nouveaux manuels de SES font la part belle à la microéconomie.
« manque de pluralisme »
Les élèves abordent ainsi, dès la seconde, la formation des prix sur un marché concurrentiel. Puis le programme de première approfondit le sujet, consacrant trois chapitres économiques sur cinq au fonctionnement des marchés: modèles d’équilibre, existence de monopoles et d’oligopoles, asymétrie d’information entre les acteurs économiques, externalités négatives… C’est cette partie du programme, qui concentre les critiques des enseignants de SES. Leur association, l’APSES, qui revendique 2 100 adhérents, avait d’ailleurs initié, en vain, une pétition fin 2018, enrôlant des figures emblématiques comme l’économiste Thomas Piketty ou le sociologue Christian Baudelot.
Elle reproche au gouvernement de ne pas avoir pris le temps de faire le bilan de la réforme 2010, déjà contestée. Elle dénonce surtout un « manque de pluralisme » et un « biais techniciste »: « les programmes sont très descriptifs et risquent de ne pas ouvrir suffisamment les élèves aux débats de société actuels », avance son président Benoit Guyon, qui se défend toutefois d’être opposé à l’enseignement de la microéconomie. « Mais passer autant de temps sur des modèles stylisés de marché, c’est une démarche universitaire qui n’est pas adaptée à des adolescents de 15 ou 16 ans. »
Philippe Aghion rétorque que les grands enjeux macroéconomiques sont abondamment traités dans les programmes de Terminale, présentés cet été et qui rentreront en vigueur l’an prochain. De fait, la microéconomie laisse alors la place à des chapitres centrés sur la croissance et ses défis, notamment écologiques, le commerce international, la lutte contre le chômage, les crises financières ou les politiques budgétaires. L’APSES s’en félicite, soulignant que la nouvelle mouture apporte des améliorations par rapport à l’existant. Mais elle persiste dans sa critique, estimant que le programme de Terminale est trop chargé et qu’il aurait mieux valu aborder, dès la seconde et la première, ces grands thèmes qui intéressent davantage les élèves.