Lycée : Comment tenir tête aux réformes Blanquer ?
« On est en capacité de gagner ». Il fallait au moins cette affirmation péremptoire pour relever le moral des professeurs de SES réunis le 18 janvier pour le stage annuel de l’Apses. Durant deux journées, environ 200 professeurs ont travaillé sur l’emploi avant de conclure par un échange sur la réforme du lycée. Ils ont longuement débattu des façons de stopper le bulldozer Blanquer. Si certaines propositions sont novatrices, comme proposer un programme prêt à l’emploi au Conseil supérieur des programmes, les enseignants semblent piégés par une question de fond : qui peut croire qu’on peut bloquer un gouvernement sans y laisser des plumes ?
Une réforme largement rejetée
« On va perdre des heures. On aura des élèves suivant des formations différentes. Comment va-t-on faire pour donner un enseignement cohérent ? ». Clarisse Guiraud, vice présidente de l’Apses, une association qui réunit près de la moitié des professeurs de SES, ne nous cache pas ses inquiétudes sur la réforme du lycée. Si les SES sont entrés aussi facilement dans le tronc commun c’est qu’en première et en terminale les horaires s’effondrent. « J’ai mes élèves de 1ère 8 heures par semaine », rappelle C Guiraud. « Avec la réforme je les verrai 4 heures seulement ». De plus, les élèves auront des spécialités différentes, par exemple pas forcément maths. Du coup cela va rendre l’enseignement plus difficile. C’est la cohérence de la filière ES qui disparait. « On aura moins de temps pour installer les méthodes », craint C Guiraud. Le programme de première, largement rejeté en CSE, est jugé négativement par l’association. « Il manque de pluralisme », nous a dit C Guiraud. « Il ya des débats qui n’apparaissent plus, comme s’ils étaient tranchés. Le programme est aussi très techniciste avec un début d’année qui risque de dégouter les élèves. Enfin on regrette la séparation disciplinaire car on pense que c’est mieux quand on mélange les apports économiques et sociologiques sur certains sujets ».
Une proposition novatrice
Mais comment bloquer une réforme et de nouveaux programmes impulsés à un rythme effréné et avec une très grande force par JM Blanquer ? Les enseignants en ont longuement débattu et l’Apses a apporté une proposition novatrice.
« On prend les devants et on propose notre programme ». L’Apses a rédigé un projet de programme de terminale qu’elle entend bien proposer au Conseil supérieur des programmes. Il comprend 12 chapitres avec un préambule sur les méthodes des SES. Le programme a été longuement débattu, en détail, lors du stage annuel. « Il ne s’agit pas faire un programme qu’on va appliquer envers et contre tout », nous dit C Guiraud. « Ce n’est pas un programme alternatif. Mais on ne veut pas être seulement dans la critique. On veut faire des propositions basées notamment sur ce que l’on sait des gouts des élèves ».
Comment bloquer la réforme sans souffrir ?
Reste la volonté de s’opposer à une réforme dont on voit bien qu’elle est largement impopulaire. Les enseignants débattent de diverses solutions. Parmi les idées avancées, démissionner de sa fonction de professeur principal, utiliser les rencontres avec les parents pour les convaincre, refuser de présenter les spécialités, mettre 20/20 à tous les controles, ne pas saisir les notes pour Parcoursup, intervenir sur les réseaux sociaux…
On retrouve là des discussions qui ont lieu aussi sur les réseaux sociaux, notamment autour des stylos rouges. Point commun à toutes ces propositions : on cherche des modes d’action qui n’entrainent pas de saisie sur des salaires qui sont déjà bien bas, et qui soient efficaces. Pas facile ! La plupart des propositions entrainent des retenues sur salaire.
Car peut-on faire reculer un ministre comme JM Blanquer et un gouvernement sans en payer le prix ? Probablement pas.
L’espoir semble rallumé par un enseignant qui explique que « pour la première fois le gouvernement recule sous la pression sociale existante. Dans nos établissements le climat change alors que les collègues voient les conséquences des réformes. On a tort de dire que c’est perdu d’avance ».
L’enseignant est vivement applaudi. Mais à quelques jours d’une grève nationale les professeurs semblent hésitants. Le combat passe-t-il par la grève et la retenue sur salaire ? Ou, comme certains stylos rouges, son issue se décide t-il « de l’autre coté de la rue », sur un rond point ? Dans les deux cas, rien n’est facile…
François Jarraud