Malgré les nombreuses alertes du monde éducatif, la réforme de la formation initiale des professeur·es se concrétise. Le ministère élabore actuellement le « référentiel de formation du professorat du second degré pour les futurs enseignants », qui définit les attendus du nouveau Master Enseignement et Éducation (M2E), formation suivie pendant deux ans par les futur·es lauréat·es des concours. En Sciences économiques et sociales, le projet du ministère est inquiétant.

Enseigner les sciences sociales sans place pour le débat ?

Alors que les économistes débattent de la taxe Zucman et de l’imposition des patrimoines, alors que des concepts comme celui de classe sociale sont en permanence interrogés en sociologie, le ministère de l’Éducation nationale réussit l’exploit d’écarter tout débat en SES. En effet, le référentiel est très clair sur les « visées de la formation des enseignants dans la discipline » : « l’enseignement [des SES] repose essentiellement sur l’étude des fondamentaux […] ; son objet n’est pas la présentation de débats, qu’ils soient de société ou théoriques, ni la participation des élèves à ce type de débats qui sont souvent réducteurs et facteurs de relativisme. »

 Formation ou formatage ?

Depuis la réforme Blanquer du lycée, l’enseignement des SES s’est rétrécit à la présentation de notions et mécanismes, sans lien apparent avec des questions qui se posent dans le débat public. Désormais, l’objectif du ministère est à la fois limpide et terrifiant : empêcher d’aborder avec les élèves les débats éclairés par nos disciplines. Pas de débat sur les politiques à mener face à la dégradation du vivant, ou face aux inégalités sociales ? Pas de débat sur les effets du protectionnisme et du libre-échange, ni sur les effets des innovations sur l’emploi ?

 

Non seulement cette approche est une grave remise en cause de ce qui fait la légitimité scientifique des sciences sociales, mais elle induit une conception de la formation des enseignant⋅es très problématique, qui, dès lors, s’apparente plus à du formatage. L’enseignement des SES nécessite des enseignant·es formé·es à la pluralité des approches théoriques existantes en sciences sociales. Une formation didactique est tout aussi importante, afin de présenter ces débats scientifiques sans relativisme et de rendre possible la construction de situations d’apprentissage qui permettent aux élèves d’accéder aux arguments mobilisés et de devenir des citoyen⋅nes critiques, capables de prendre part au débat public.

 

L’École doit être le lieu de l’apprentissage de la démocratie, pas du déni. L’APSES exige le retrait de ce référentiel de formation et sa réécriture complète.

L’APSES rappelle l’urgente nécessité d’un bilan des programmes de SES et de la réforme Blanquer du lycée, qui continue de brutaliser les élèves et les personnels.

 

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