SES contre patronat, une histoire qui n’en finit pas

Les périodes électorales sont propices à relancer les vieux antagonismes. Celui qui oppose une partie des milieux patronaux à l’enseignement des sciences économiques et sociales (SES) en est un. Un compromis, au sort encore incertain, est en cours d’élaboration.

Les rôles sont tellement bien distribués qu’un scénariste pourrait en faire une série télévisée «sociétale » : professeurs de sciences économiques et sociales (SES) contre grands patrons. D’un côté, donc, une discipline scolaire qui a fêté en novembre 2016 ses cinquante ans d’existence : les SES ont été introduites dans les enseignements du lycée en 1966, dans le cadre de ce qui s’appelait alors la 2de AB et qui, deux ans plus tard, déboucha sur la première session du bac B, lui-même ancêtre de l’actuelle série ES (économique et sociale). Le bac ES, avec plus de 110 000 candidats par an, est aujourd’hui le deuxième baccalauréat dans la voie générale. En classe de 2de, les SES font partie des deux enseignements exploratoires d’économie entre lesquels les lycéens doivent choisir, une autre approche étant proposée à travers les principes fondamentaux d’économie et de gestion (PFEG). Très schématiquement, le premier est plus théorique et porteur d’un questionnement sur la société, le second plus concret et soucieux de microéconomie. Depuis leur création, les SES se définissent comme une discipline « critique », c’est-à-dire cultivant la découverte des ressorts économiques et sociaux, toute son identité étant dans cette conjonction. Tout irait bien si, depuis les années 1980, les SES n’avait pas fait l’objet d’attaques récurrentes mettant en cause leur présumée hostilité à l’entreprise et à l’économie de marché, ce qui pouvait avoir un fondement dans le contexte de l’époque. Ce contexte est désormais lointain, mais l’antagonisme ainsi créé a persisté, entre des professeurs souvent – mais pas systématiquement – en affinité avec une revue comme Alternatives économiques et des milieux patronaux restant d’inspiration libérale et les accusant de diffuser auprès des jeunes une idéologie « anti-entreprise ». « Ce que l’on constate aujourd’hui dans les manuels scolaires de sciences économiques, c’est une image pessimiste, incomplète, réductrice de l’entreprise, bref, anti-business », assurait en 2008 Thibault Lanxade, président du think tank Positive Entreprise, et aujourd’hui vice-président du Medef, ajoutant : « Il est peut-être là, le point de croissance qui nous manque! » En 2008 aussi, un rapport accablant envers les SES avait été remis au ministre Xavier Darcos par une commission présidée par l’économiste Roger Guesnerie, professeur au Collège de France. Au fil des années, l’ex-PDG de la BNP, Michel Pébereau est devenu le leader des offensives contre les SES. Le dernier épisode de cette bataille éternelle vient de commencer. Il s’est noué en juin dernier lorsque plusieurs membres du Conseil national éducation économie (CNEE) ont démissionné pour protester contre le fait que le chapitre sur le marché dans le programme des SES avait été rendu facultatif. Les démissionnaires ont, depuis, été remplacés et, à des fins d’apaisement, une commission mixte a été constituée, comprenant des enseignants et des économistes de différents bords qui ont commencé à se réunir et doivent formuler des propositions de compromis d’ici au mois de mars. Selon plusieurs sources fiables, la section économie de l’Académie des sciences morales et politiques (ASMP), dirigée par Michel Pébereau, préparerait pour la fin janvier un rapport comportant des préconisations pour tenter, à la faveur de la campagne électorale, de mettre à l’ordre du jour politique une révision des programmes de SES, voire une remise en cause de la discipline elle-même. Affaire à suivre…

L.C.

http://www.lalettredeleducation.fr/-906-no906-.html

 

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