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Réforme du bac : trois questions sur l’avenir du lycée

Denis Peiron , le 15/02/2018 à 16h32, Mis à jour le 15/02/2018 à

Découlant de la réforme du bac annoncée mercredi 14 février, la fin des séries et la création de nouveaux enseignements vont bousculer le lycée général.

1/Qui sera chargé des nouveaux enseignements ?

La refonte du lycée, qui concernera surtout les classes de première et de terminale, respectivement à partir de 2019 et 2020, est marquée par la suppression des filières, mais aussi par l’introduction de nouveaux enseignements. Dans le tronc commun, figureront deux heures hebdomadaires d’« humanités scientifiques et numériques », façon d’affirmer qu’une éducation humaniste ne saurait faire l’impasse sur les sciences ni ignorer les enjeux du numérique, de la transition écologique et de la bioéthique.

Pour les dispenser, il paraît impensable de créer une nouvelle discipline à part entière, avec un Capes et une agrégation spécifiques. « On devrait, en revanche, faire appel à des professeurs de différentes disciplines existantes, comme les sciences de la vie et de la Terre ou la philosophie, peut-être en leur demandant une certification, comme cela se fait aujourd’hui pour le module Droit et enjeux du monde contemporain », avance Philippe Tournier, le président du SNPDEN, syndicat de chefs d’établissement.

La question se pose aussi pour certains des enseignements « de spécialité », qui feront l’objet d’un examen final au baccalauréat. Les « sciences de l’ingénieur » seront proposées en lien avec la voie technologique. Parmi les nouveautés, on trouve ainsi « histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques ». Ce dernier enseignement devrait être « partagé entre les professeurs d’histoire-géographie et ceux de sciences économiques et sociales », indique Erwan Le Nader, président de l’association des professeurs de SES.

2/ Les différentes spécialités seront-elles proposées partout ?

Le ministère a prévu onze disciplines de spécialité. Les élèves devront en sélectionner trois pour l’année de première puis deux pour la terminale. Le but est de donner aux lycéens davantage de choix et de leur permettre de se spécialiser progressivement, avec, en vue, la poursuite d’études dans le supérieur. D’ailleurs, note Philippe Tournier, « même si on laisse toute latitude aux lycéens pour choisir leur “triplette” puis leur “doublette” de spécialités, la façon dont seront fixés les attendus à l’entrée de chaque licence imposera, de facto, un nombre limité de combinaisons ».

Ces onze spécialités, en tout cas, ne seront pas toutes proposées dans chaque lycée, comme l’a confirmé jeudi 15 février sur RTL Jean-Marc Huart, directeur général de l’enseignement scolaire. Lui parle, pour la terminale, d’une « dizaine » de couples de spécialités offertes dans tous les établissements. Certains lycées pourraient en proposer une ou plusieurs de plus, en lien possible avec leur environnement socio-économique.

Jean-Marc Huart veut aussi que les établissements implantés dans des zones plutôt défavorisées bénéficient d’un panel plus large pour attirer d’autres publics et bousculer la hiérarchie tacite en vigueur aujourd’hui. À noter que jusqu’ici, en dépit de filières rigides, l’offre de formation variait déjà d’un établissement à l’autre via le jeu des options.

3/ Comment seront constituées les classes ?

Aujourd’hui, les classes sont constituées en tenant compte de filières à la réputation plus ou moins solide. Ce qui revient souvent à former des classes de niveau. En supprimant les séries de la voie générale, le gouvernement bouscule le lycée. Mais encore faut-il que les établissements jouent le jeu.

« Nos adhérents membres des personnels de direction nous disent qu’ils ont le savoir-faire pour constituer des classes autrement que sur la base des spécialités choisies et favoriser ainsi une mixité », affirme Catherine Bekhti-Nave, secrétaire générale du Sgen-CFDT. Il n’est pas exclu cependant qu’ici ou là, des considérations techniques l’emportent sur l’esprit de la réforme.

« Dans des lycées de petite taille, il sera techniquement difficile de regrouper des élèves ayant choisi des spécialités différentes, sauf à tolérer de grands trous dans leurs emplois du temps », glisse Philippe Tournier. Pour ce syndicaliste, « chaque lycée ayant sa propre politique en la matière », le risque est « faible » de voir se reconstituer officieusement une « super » série S attirant les « meilleurs » élèves, qu’ils aient ou non de l’appétence pour les sciences.

Denis Peiron

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