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Réforme des lycées : « Une solide culture économique est indispensable pour se comporter en citoyen éclairé »

Quinze économistes s’élèvent, dans une tribune au « Monde », contre le peu de place laissé à leur discipline dans le projet de réforme des lycées.

LE MONDE ECONOMIE |  • Mis à jour le  | Par un collectif d’économistes

Tribune. Une réforme du lycée est en préparation. Les décisions définitives ne sont pas prises, mais les informations qui circulent suscitent notre inquiétude en ce qui concerne l’enseignement des sciences économiques et sociales (SES). Dans l’état actuel du projet, l’enseignement des SES occuperait une place marginale en classe de seconde et ne figurerait pas dans le tronc commun du cycle terminal. La formation à la science économique et aux autres sciences sociales (sociologie, science politique) n’apparaît que dans deux des neuf couples d’enseignement de spécialisation qui seraient proposés aux lycéens.

La mise en œuvre d’une telle réforme conduirait donc à la marginalisation des SES dans la formation des lycéens français. Certes, une minorité seulement de lycéens se destinent à des formations spécialisées en sciences économiques, mais il est indispensable dans le monde d’aujourd’hui de disposer d’une solide culture économique pour se comporter en citoyen éclairé.

Comment comprendre les débats sur la lutte contre le réchauffement climatique si l’on ne maîtrise pas le rôle des prix, de la fiscalité et de la réglementation dans le fonctionnement des économies ? Comment comprendre les débats sur l’avenir de la construction européenne sans une solide culture concernant le rôle des marchés et des Etats dans l’intégration économique ? Comment comprendre la mondialisation sans disposer des concepts et des méthodes permettant d’analyser le commerce international, le rôle des firmes globales et les enjeux de la gouvernance mondiale ?

Des concepts essentiels

Il ne s’agit pas de former des spécialistes de l’analyse économique ou de surcharger les programmes. Mais il est indispensable de fournir à tous les élèves la maîtrise des raisonnements de base et des concepts essentiels leur per­mettant de porter un regard informé sur le monde économique et social. De mê­me que des enseignements portent sur les humanités (langues, littérature, philosophie) et d’autres sur les sciences de la nature (physique, chimie, biologie), il doit exister au lycée une formation solide sur les sciences du mon­de social.

Il faut reconnaître la science économique et les autres sciences sociales comme composantes de la culture générale

Il ne s’agit pas seulement de choisir en connaissance de cause les cursus de formation dans l’enseignement supérieur (ce qui est très important), mais aussi, et surtout, de reconnaître la science économique et les autres sciences sociales comme composantes de la culture générale dont tous les élèves formés aujour­d’hui au lycée doivent disposer.

Les programmes de SES en vigueur depuis le début des années 2000 ont été conçus dans la perspective d’une formation ambitieuse aux fondements scientifiques solides. Ils peuvent évoluer, mais en s’inscrivant dans la continuité des évolutions positives qui sont désormais inscrites dans les faits. Il faut souligner en particulier que les liens entre l’enseignement des SES et la recherche universitaire dans le champ de l’économie et des sciences sociales se sont intensifiés.

Là encore, il faut renforcer cette tendance et ne pas remettre en cause le fruit de longues années d’efforts des chercheurs et des professeurs de lycée. Une remise en cause de la formation des lycéens aux sciences de la société serait une mauvaise chose pour les élèves, pour le fonctionnement du lycée et pour la société dans son ensemble.

Les signataires de la tribune : Philippe Aghion, professeur au Collège de France ; Michel Aglietta, professeur émérite, université de Paris-Nanterre ; Patrick Artus, chef économiste de Natixis; Antoine d’Autume, professeur émérite, Ecole d’économie de Paris, université Paris-I ; Maya Bacache, professeur en sciences économiques à Telecom ParisTech ; Alain Beitone, professeur de SES en classe préparatoire ; André Cartapanis, professeur à l’IEP d’Aix-en-Provence ; Brigitte Dormont, professeur à l’université Paris-Dauphine ; Jean-Luc Gaffard, professeur émérite, membre honoraire de l’Institut universitaire de France ; Cecilia Garcia-Peñalosa, directrice de recherche au CNRS ; Roger Guesnerie, professeur émérite au Collège de France ; Jacques Le Cacheux, professeur à l’université de Pau ; Didier Marteau, professeur à ESCP Europe ; Philippe Martin, professeur à Sciences Po ; Marie-Claire Villeval, directrice de recherche au CNRS.

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