http://www.lepoint.fr/editos-du-point/sebastien-le-fol/pour-ou-contre-la-reforme-du-baccalaureat-non-au-grand-oral-11-02-2018-2194036_1913.php

Débat. Le rapport Mathiot préconise de réduire les épreuves écrites à quatre et d’instaurer un « grand oral » et un contrôle continu.

Le rapport que Pierre Mathiot a remis au ministre de l’Éducation nationale propose, à côté d’une réforme de la structure du lycée général et technologique, celle des épreuves du baccalauréat. Celles-ci font suite à des critiques relayées depuis plusieurs années selon lesquelles cet examen national, qui sanctionne à la fois la fin des études secondaires et l’entrée dans l’enseignement supérieur, serait à la fois trop coûteux et insuffisamment exigeant – les 12 % de candidats non reçus chaque année apprécieront… Si son format actuel est sans conteste effectivement problématique à maints égards, tout comme l’organisation actuelle du lycée, on peut légitimement se demander si la réforme actuellement à l’étude ne risque pas de renforcer les inégalités sociales face à l’enseignement au lieu de les réduire.

En premier lieu, l’introduction d’une forte dose de contrôle continu fera de facto perdre à l’examen son caractère national, créant une différenciation selon les établissements; autrement dit, on risque de voir apparaître des « bacs maison » n’ayant pas la même valeur aux yeux du public, à commencer par les établissements d’enseignement supérieur.

Ensuite, l’introduction d’un « grand oral » de trente minutes devant un jury composé de trois personnes, dont deux enseignants, pose également question. L’expression orale repose pour une grande part sur une socialisation familiale et extrascolaire où les candidats d’origine plus favorisée possèdent un avantage certain de par leurs pratiques culturelles plus proches des attentes de l’institution. Et si l’école a alors bien sûr un rôle à jouer pour corriger ces inégalités de départ, encore faudrait-il pouvoir encadrer véritablement les élèves sur un temps long, ce qui ne semble pas prévu à ce jour.

Enfin, si l’organisation actuelle par filières n’est pas entièrement satisfaisante, elle n’en présente pas moins l’intérêt d’assurer une cohérence certaine pour les élèves comme les enseignants, évitant de morceler les cours dans un parcours à la carte où seuls les « initiés » sauront se repérer, c’est-à-dire choisir les bonnes combinaisons de « majeures » et « mineures ». La série ES (économique et sociale) constitue notamment une réussite indéniable, tant en termes de recrutement social (avec une composition très proche de la moyenne de l’ensemble des élèves de lycée général et technologique) que de débouchés ultérieurs.

Avant de casser l’existant au profit d’un lycée et d’un bac à la carte, il semble crucial de tenir compte de ces inquiétudes, et de faire en sorte que les économies budgétaires recherchées ne se fassent pas au détriment des plus faibles.

Igor Martinache est professeur à l’université de Lille et membre de l’Association des professeurs de sciences économiques et sociales.

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