Marie-Christine Corbier Le 04/10 à 19:34 

EXCLUSIF – Les cinq chefs d’entreprise dénoncent notamment l’allégement des programmes d’économie en seconde.

Leur démission a créé la surprise. Selon nos informations, les cinq chefs d’entreprise siégeant en tant que personnalités qualifiées viennent de claquer la porte de l’emblématique Conseil national éducation-économie (CNEE). Cette instance avait été installée en octobre 2013 par le Premier ministre d’alors, Jean-Marc Ayrault, pour rapprocher l’école de l’entreprise.

 

Dans une lettre datée du 19 septembre, Jean-Pierre Boisivon (ancien délégué général de l’Institut de l’entreprise), Françoise Gri (ex-PDG de Manpower France), Xavier Huillard (P-DG de Vinci), Henri Lachmann (président du conseil de surveillance de Schneider Electric) et Michel Pébereau (ex-PDG de BNP Paribas) annoncent qu’ils quittent cette instance.

Ils invoquent deux motifs à leur geste. D’abord l’allègement des programmes d’économie en classe de seconde. Le gouvernement avait pris un arrêté fin juin sur ce sujet qui avait provoqué la colère de nombreux chefs d’entreprise . Il avait été décidé que les élèves n’auraient plus que quatre chapitres obligatoires au lieu de cinq et que celui qui portait sur la façon dont se forment les prix sur un marché deviendrait facultatif. Le CNEE n’avait pas été consulté sur le sujet.

Désaccords sur l’apprentissage

La deuxième raison porte sur l’apprentissage. Certains des chefs d’entreprise démissionnaires réclamaient la mise à disposition d’inspecteurs généraux pour réaliser un rapport sur l’apprentissage, une demande à laquelle le ministère a adressé une fin de non-recevoir. « Il faut encourager, voire forcer l’alternance en lycée professionnel et cela passe par une réforme très profonde du bac professionnel, glisse l’un des démissionnaires. Notre rapport, si nous avions pu le faire, aurait mis en cause l’actuel bac professionnel mais la ministre de l’Education n’a surtout pas voulu que nous nous en mêlions. Le ministère est dirigé par les syndicats… »

Pour le président du CNEE, Pierre Ferracci, le départ des cinq personnalités qualifiées est surtout lié à l’allègement des programmes en classe de seconde. Mais le ministère de l’Education a, selon lui, reconnu sa maladresse en saisissant le CNEE et le Conseil supérieur des programmes (CSP) d’un avis – attendu pour fin janvier – qui portera sur les trois années de lycée de la filière de sciences économiques et sociales, et pas seulement sur la classe de seconde.

« Cette affaire dépasse le CNEE et son rôle »

« La ministre Najat Vallaud-Belkacem est une cible un peu facile sur un sujet où elle a vite pris la mesure de son erreur », commente un acteur du dossier. « On est en période électorale, cette affaire dépasse le CNEE et son rôle, témoigne un autre. Michel Pébereau, qui a entraîné les autres chefs d’entreprise dans son départ, cherche à reprendre sa liberté de parole. » Du côté du ministère, on évoque aussi « des raisons qui n’ont pas forcément à voir avec le fonctionnement du CNEE ».

Sur l’autre aspect, celui de l’apprentissage, un bon connaisseur du dossier glisse : « Ce problème remonte à février, et franchement je n’ose pas imaginer que des chefs d’entreprise démissionnent parce qu’on ne leur donne pas les moyens de faire un rapport. » Au-delà de cette question de moyens, un fossé persiste néanmoins entre les entreprises et l’Education nationale sur la question de l’apprentissage.

Les chefs d’entreprise doivent être remplacés d’ici à mi-novembre. D’ici là, d’autres représentants du monde de l’entreprise – Medef, CGPME, UPA – continuent, eux, de siéger dans cette instance.

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