En cause ? Ce que le ministère de l’Éducation nationale appelle « l’harmonisation » des notes. Comme les épreuves de spécialité se sont déroulées sur plusieurs jours, certains élèves n’ont pas eu, pour la même épreuve, le même sujet d’examen.

Un choix que le ministère justifie pour des raisons logistiques et techniques. « Si on voulait donner le même sujet par spécialité à tous les élèves, il faudrait organiser treize journées d’épreuves différentes », explique Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’Éducation nationale.

« Harmonisation de masse »

Sauf qu’à ce problème, que soulignaient déjà les enseignants l’année dernière, s’ajoute la manière dont les notes sont ensuite « harmonisées ». « Il existe un logiciel de correction des copies, qui s’appelle Santorin, et qui introduit une possibilité, donnée aux inspecteurs pilotes des épreuves, de modifier, en tout dernier recours et en dehors de toute procédure de jury, les notes, de manière à les égaliser, explique Éric Nicollet. Ce qui rend l’épreuve totalement artificielle.

Déjà l’année dernière, les syndicats du secondaire avaient dénoncé une « harmonisation de masse ». Cette année, rebelote. L’association des professeurs de sciences économiques et sociales (ASPES), dans un communiqué datant du 11 avril, s’inquiète par exemple d’une harmonisation sans consultation.

« Dans plusieurs académies, en effet, les correcteurs et correctrices de spécialité SES ont découvert stupéfait·es, vendredi, que les notes de leur lot de copie avaient été arbitrairement remontées par l’institution sans qu’ils et elles n’en aient été préalablement averti·es et sans explications quant aux justifications et aux modalités de cette augmentation des notes », s’insurge l’association.

« Entre 5 et 10 % des notes »

« C’est nécessaire d’harmoniser, mais en amont, renchérit Éric Nicollet. On se met d’accord sur la manière dont on va corriger les copies. Mais cette modification des notes de masse et a posteriori ne s’est jamais produite avant l’an dernier. »

Au ministère, on réfute l’idée d’une harmonisation de masse. « Au niveau national, le nombre de notes harmonisées, y compris en SES, est comme chaque année ultra-minoritaire, répond Édouard Geffray. On a généralement entre 5 et 10 % de notes qui font l’objet d’une harmonisation. »

Il reconnaît en revanche qu’une commission peut décider d’harmoniser des « lots de copies » dans certains cas. « Notamment lorsque des correcteurs se trouvent avoir singulièrement sous-noté leur tas de copies par rapport à leurs homologues. Ça a toujours existé, il n’y a rien de nouveau sous le soleil », fait-il remarquer. Selon lui, la seule différence aujourd’hui est le fait que les enseignants ont, depuis l’année dernière, accès à la plateforme et peuvent ainsi constater que leur note a été modifiée, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Si l’harmonisation des notes existait en effet bien avant la réforme du bac de Jean-Michel Blanquer, pour l’ASPES « elle consistait auparavant à étudier avec les correcteurs et correctrices les raisons pour lesquelles leur lot de copie pouvait avoir une moyenne statistiquement anormale’. Il n’en est rien ici puisqu’il s’agit d’une remontée généralisée des notes, par lots entiers. »

« Ça n’a pas été transparent partout »

Aux critiques qui estiment que les notes ne reflètent pas le réel niveau des élèves, le ministère affirme que « l’harmonisation ne booste pas les notes ». « Il ne s’agit pas de remonter les notes de 3 ou 4 points, mais plutôt de 0,5 voire 1 point quand il y a vraiment des écarts. C’est ponctuel, ciblé, sur une petite minorité de copies. On ne ment pas aux élèves sur leur niveau », assure-t-il.

Le ministère estime d’ailleurs que le système d’harmonisation a été amélioré cette année. Pour chaque discipline, des commissions d’harmonisation rassemblent, dans chaque académie, deux inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR), deux coordonnateurs et deux correcteurs. « Il y a un examen du barème par les inspecteurs sur la base de copies tests, le soir ou le lendemain des épreuves, les commissions d’entente. Avant même l’harmonisation, les écarts entre le jour 1 et le jour 2 sont absolument minimes », assure le directeur de l’enseignement supérieur.

Sur Twitter et dans les syndicats, de nombreux enseignants se plaignent de l’opacité des commissions. « Les commissions tripartites sont un changement purement cosmétique et ne répondent à aucune des alertes que le SNES-FSU et le SUI-FSU avaient formulées l’année dernière », dénonce un communiqué de plusieurs organisations syndicales, datant du 4 avril.

« Le fond du problème, c’est d’avoir des sujets différents sur plusieurs journées et de manière anticipée », s’agace l’inspecteur Éric Ricollet. Les syndicats réclament donc un sujet unique par épreuve de spécialité, ainsi que de les décaler au mois de juin. « Ces épreuves anticipées ont deux effets majeurs, souligne l’inspecteur. Une année tronquée et une course folle pour être prêts au mois de mars et composer sur une partie du programme seulement, ce qui revient à du bachotage inutile. Et la démobilisation des élèves après ces épreuves : on a déjà des remontées de classes où un quart ou un tiers des élèves sont dans la nature. »