b-quenesson
Pouvez-vous présenter l’APSES en quelques mots ?

L’APSES (association des professeurs de SES) est une association disciplinaire de 2 100 adhérents, soit près de 45 % des profs de SES. Elle est fermement opposée à la réforme du bac qui a lieu depuis 2018-2019, et réalise des enquêtes sur les conditions de travail des enseignants de SES pour essayer d’objectiver la situation.

Nous avons clairement fait le constat que le programme en SES est trop lourd, donc nous demandons, à court terme, un allègement des programmes, et à long terme, une refonte totale pour mieux lier les questions économiques, sociologiques et de sciences politiques.

Nous sommes également opposés au système de spécialités car nous nous sommes rendu compte que cela avait détérioré nos conditions de travail. Il y a un paradoxe entre l’enseignement des SES au lycée et la réforme du bac : nous avons gagné des élèves par rapport à l’époque du bac par série, mais nous avons perdu des profs. Ce qui implique des classes plus chargées qu’auparavant.

Vous avez organisé mercredi 25 janvier un rassemblement d’enseignants de SES près du ministère de l’Education nationale. Quel était l’objectif de ce rassemblement ?

L’objectif de ce rassemblement était surtout de dénoncer le calendrier du bac, que nous considérons comme une aberration pédagogique. Très clairement le ministère privilégie le calendrier Parcoursup à la formation intellectuelle des élèves. En effet, la justification du ministère pour la tenue des épreuves au mois de mars est l’intégration des notes de spécialité dans Parcoursup.

Pour dénoncer cela, l’APSES, avec 12 autres associations disciplinaires, a organisé une course lors de laquelle les participants couraient après « le programme », représenté par une personne que les participants n’arrivaient pas à rattraper. Cette course se tenait dans les rues à proximité du ministère de l’Education nationale, car nous pensions être reçus par le ministre. Finalement, on nous a indiqué qu’il était occupé par une cérémonie de vœux, alors que la demande d’audience avait été formulée… on voit que le dialogue social est assez limité ! Nous devons être reçus au début du mois de février. Nous avons de réelles propositions sur un autre calendrier pour le bac et une autre organisation de l’année, qui pour l’instant ne sont pas du tout écoutées.

Dans une étude publiée par votre association le 16 janvier, les mots les plus cités par les enseignants pour qualifier leur vécu en terminale cette année étaient « stress » et « pression ». Que pouvez-vous conclure de ces résultats ?

C’est exactement ce que nous vivons sur le terrain ! Au-delà des mots qui ont été choisis par les collègues, les données que nous avons obtenues via ces enquêtes le montrent. Un tiers des enseignants de SES sont actuellement en retard dans le programme prévu pour les épreuves au mois de mars, cela met une pression très importante sur les collègues.

Pour s’en sortir, ils usent de stratégies qui ne sont pas satisfaisantes, ils en bien conscience, mais c’est la seule solution dont ils disposent pour terminer le programme. Par exemple, ne pas organiser de bac blanc de 4h, ne pas faire de séance de remédiation pour travailler sur les erreurs des élèves… cela occasionne un conflit de valeurs chez les enseignants qui sont empêchés de faire correctement leur métier.
Cela accentue d’ailleurs les risques psychosociaux chez les collègues, par exemple, selon une enquête de l’APSES, plus de 60 % d’entre eux déclarent ne pas se mettre en arrêt maladie et venir tout de même en cours lorsqu’ils sont malades. C’est deux fois plus que les chiffres de la Depp pour la globalité des enseignants.

De quelle manière la réforme du lycée a-t-elle impacté les conditions de travail des enseignants de SES ?

Le problème du bac en mars est que l’on nous demande de préparer les élèves à l’examen sur un temps plus court qu’avant. Avant la réforme, les élèves de première avaient 5h de cours par semaine, dorénavant c’est 4h. Et en terminale, nous avons un trimestre en moins par rapport à la précédente organisation. La formation intellectuelle des élèves est donc réduite, ce qui met en difficulté les élèves mais aussi les enseignants. C’est pour nous extrêmement problématique et nous demandons un report des épreuves en fin d’année scolaire pour permettre une meilleure acquisition des méthodes et des connaissances.

De plus, avec la nouvelle organisation du lycée, qui ne fonctionne plus en filières, nous constatons la disparition du groupe classe. Cela affecte énormément le suivi des élèves, car ils ne sont plus issus d’une seule classe mais de 7 ou 8 classes différentes. C’est devenu beaucoup plus compliqué d’identifier leur professeur principal par exemple.

Nous assistons également à la disparition progressive des groupes à effectifs réduits ou des dédoublements, de l’aide personnalisée. Cela permettait de travailler sur les erreurs des élèves, sur la méthodologie, sur des points un peu plus techniques du programme, et surtout d’avoir une approche beaucoup plus individualisée.