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Macro ou micro-économie ? L’ASMP et l’APSES s’affrontent sur les SES
VousNousIls, 27 mars 2017

L’Académie des Sciences Morales et Politiques critique les SES actuels, qui seraient « néfastes », et préconise de se recentrer sur la micro-économie. L’association des profs de SES dénonce une « attaque à charge ».

Financement des grandes entreprises françaises par type d’endettement (taux de croissance, en glissement annuel*, %) / Source : L’évolution du financement des entreprises depuis 2007 / Bac ES 2016 – série ES, spécialité Economie Approfondie
Financement des grandes entreprises françaises par type d’endettement/ Bac ES 2016

Dans un rapport publié le 20 mars, l’académie des sciences morales et politiques (ASMP) a dévoilé ses “propositions pour améliorer” l’enseignement des SES (sciences économiques et sociales) au lycée.

Pour l’Académie, une “réforme ambitieuse” des SES demeure “indispensable”. L’ASMP propose de réduire les programmes à des “concepts fondamentaux”, de se recentrer sur la micro-économie, et de parler davantage du fonctionnement de l’entreprise et des mécanismes de marché.

Pour l’ASMP, les SES actuels sont “néfastes”

Pourquoi effectuer une telle refonte des programmes de sciences économiques et sociales ? Pour l’ASMP, leur enseignement actuel “témoigne d’une ambition encyclopédique démesurée, illusoire, et finalement néfaste”. Plutôt que de “parler superficiellement de tout”, il faudrait “consacrer plus de temps aux concepts et mécanismes de base”, et apprendre aux élèves à “raisonner en économistes”, plutôt que de leur apprendre “à répéter des opinions convenues”.

Selon l’institution, “l’ambition excessive des programmes doit être revue à la baisse”, car “la liste des thèmes abordés échappe à tout contrôle”. D’après elle, le nombre de sujets étudiés “est excessif”. Résultat : “couvrir l’ensemble du programme relève de l’exploit”, et “ce désir de parler de tout condamne souvent l’enseignement, faute de temps, à une superficialité dangereuse”.

Parmi les “concepts et mécanismes fondamentaux” qu’il conviendrait donc de privilégier selon l’académie des sciences morales et politiques, figurent le “fonctionnement des mécanismes de marché” (la théorie de l’offre et de la demande) et le fonctionnement de l’entreprise (rôle, financement, développement).

“Ces notions relèvent du champ de la microéconomie, domaine où le savoir est le mieux fondé et où un large consensus est plus facile à réaliser qu’en macroéconomie, qui s’appuie sur les savoirs les plus difficiles et les moins consensuels de la discipline”, indique l’ASMP.

« La sociologie délaissée » (APSES)

L’Association des professeurs de SES (APSES) n’a pas manqué de réagir dans un communiqué. Selon elle, “en proposant un enseignement centré sur une micro-économie supposée exempte de controverses – et donc en délaissant la sociologie, la science politique et les questions macroéconomiques”, l’ASMP “ne propose rien de moins que de réduire considérablement la formation scientifique, intellectuelle et citoyenne des élèves”.

Concernant l’affirmation de l’Académie selon laquelle la micro-économie est le “domaine où le savoir est le mieux fondé et où un large consensus est plus facile à réaliser qu’en macroéconomie”, l’APSES critique une “curieuse conception de la science et de la démocratie que de considérer qu’il ne faudrait pas enseigner ce qui fait débat”, comme la crise, la lutte contre le chômage, les sources de la croissance, ou la mondialisation.

“A l’inverse, l’Académie propose son programme : “comment assurer l’équilibre du budget de la famille ? ; quels sont les avantages et les inconvénients d’être propriétaire ou locataire ?, pourquoi épargner et comment placer les revenus épargnés ?” On ne ferait pas mieux pour éluder les grandes questions économiques et sociales contemporaines”, affirme l’APSES.

Selon l’association des profs de SES, l’Académie, “dont la section économie est composée quasi exclusivement de représentants patronaux, ne sort pas grandie de cette attaque à charge contre un enseignement qui n’a plus à démontrer son succès depuis son introduction il y a 50 ans au lycée ».

A l’occasion du cinquantenaire de cette discipline, rappelle en outre l’APSES, une quarantaine de chercheurs en sciences sociales a signé une tribune dans Le Monde, dans laquelle ils demandent que les SES soient généralisées à tous les lycéens, “pour leur permettre de s’emparer des questions vives du moment grâce aux savoirs pluriels des sciences sociales.”

Fabien Soyez

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