Studyrama – Les syndicats et associations de professeurs demandent le réaménagement du Bac 2021

Alors que les syndicats souhaitent le report des épreuves du Bac, une pétition portée par la Conférence des associations de professeurs spécialistes, demande des engagements forts pour que l’examen puisse se dérouler dans les meilleures conditions et que les élèves puissent se préparer le plus sereinement possible.

Par Aziza Sellam

La pétition comptabilise à l’heure actuelle près de 15 000 signatures sur Change.org/Bac2021.

Pour en savoir plus sur leurs revendications, nous avons interrogés Benoît Guyon, le co-président de l’APSES (Association des professeurs de Sciences économiques et sociales), l’une des 12 associations signataires parmi la Conférence, à l’origine du lancement de la pétition.

Pourquoi cette pétition ? Quel est son objectif ?

Comme expliqué dans la pétition, l’objectif principal est d’alerter l’opinion publique sur les situations intenables dans lesquelles se trouvent les enseignants et les élèves de Terminale suite aux décisions ministérielles récentes.
Alors que le ministère préconise explicitement d’adapter les conditions d’enseignement pour limiter la propagation du Coronavirus (à raison), en organisant jusqu’à la moitié des cours à distance (solution des demi-groupes), il a fait le choix de ne pas alléger les programmes et de maintenir telles quelles les dates des épreuves de spécialité ainsi que le Grand Oral.
Or d’une part, il est illusoire de penser que les cours à distance sont aussi efficaces que les cours effectués dans les établissements scolaires, plusieurs études ont montré l’effet du premier confinement sur les acquis scolaires. Il est donc incohérent de ne pas aménager les exigences de l’examen en tenant compte de cet état de fait : les élèves doivent être formés à des contenus scolaires exigeants et à des méthodologies d’épreuves complexes à maîtriser (comme la dissertation par exemple). Acquérir ces connaissances, ces savoir-faire et ces méthodes prend du temps.
D’autre part, cette solution induit une forte inégalité de traitement entre lycéens : ceux qui auront pu continuer leurs cours en 100% présentiel car la situation sanitaire dans leur région est moins dégradée auront plus de chances de réussite que celles et ceux qui auront dû suivre la moitié des cours à distance.
Enfin, cette solution néglige les taux d’absentéisme qui ont fortement augmenté chez les élèves comme chez les enseignants, du fait de la pandémie. Et elle ignore le fait qu’un nombre significatif d’entre eux doit faire face à des situations humaines compliquées dans une période qui sort de l’ordinaire (pertes de proches ou inquiétude pour les proches malades).
Ces éléments sont encore mal connus et mal compris par une partie de l’opinion publique, et cette pétition a le mérite d’expliquer ces difficultés. Mais il s’agit aussi d’alerter le ministère lui-même sur l’état d’épuisement et de stress des élèves et des enseignants face au maintien d’objectifs impossibles à atteindre.

Quels sont les aspects qui vous posent problème sur la réforme du Bac ?

Nous avions déjà alerté sur les effets néfastes de la mise en œuvre de la réforme, en 2018 et en 2019.
La Conférence alerte encore sur :
· le décalage permanent entre les projets affichés et les difficultés de la mise en œuvre sur le terrain, et la complexification d’un bac qu’on entendait simplifier ;
· les effectifs pléthoriques, le manque de dédoublements et les programmes chargés qui compliquent les conditions d’enseignement. Les enseignants sont soumis à des injonctions contradictoires permanentes, leur avis ainsi que leurs alertes et leurs propositions pour améliorer les choses ne sont pas pris en compte.
L’adaptation au contexte sanitaire est également en cas de conscience, puisque le passage en hybride ralentit forcément le rythme des apprentissages, en vue des épreuves de mars. Sans cadrage national clair, les parents et les enseignants, en conseil d’administration, sont amenés à choisir localement entre la santé et la réussite aux examens.
· l’atmosphère d’évaluation permanente anxiogène pour des élèves qui ont besoin de temps pour entrer dans les apprentissages et progresser ;
· le flou inadmissible qui entoure l’épreuve du grand oral et ses conditions de préparation, avec, entre autres, une interrogation sur la place accordée aux langues vivantes ;
· la concurrence délétère que le choix des spécialités introduit entre les disciplines, et que renforce l’abandon de l’une d’elles en fin de Première ;
· l’incompatibilité entre un horaire contraint, une évaluation permanente et la pédagogie de projet qu’on nous incite pourtant à mettre en œuvre.

Que revendiquez-vous ainsi que les syndicats ?

Nous ne sommes pas favorables à la généralisation du contrôle continu, qui ne garantit pas l’égalité de traitement des lycéens et nous restons attachés au cadre national du diplôme du baccalauréat

Nous revendiquons :

- le report à juin des épreuves de spécialité, pour laisser aux élèves le temps d’y être effectivement préparés ;
- la suppression de l’épreuve du Grand oral ;
- un aménagement de toutes les épreuves du baccalauréat ;
- une limitation des contenus des programmes attendus pour les épreuves.

Le ministère doit prendre en compte le caractère exceptionnel de la situation. Les aménagements cosmétiques des épreuves consentis jusqu’ici ne sont en aucun cas suffisants. La solution que nous proposons garantit en fait le maintien de la valeur du diplôme en maintenant des épreuves finales. Le fait de limiter les contenus de programmes attendus ne conduit pas à abaisser les exigences, mais au contraire à les maintenir, puisque dans la situation actuelle, les enseignants sont obligés de simplifier au maximum le contenu de ce qu’ils enseignent pour pouvoir tenir les délais. Intellectuellement, il est plus formateur de limiter l’étendu des contenus exigibles des élèves, mais de maintenir un degré élevé d’exigence sur la maîtrise de ces contenus, plutôt que de maintenir quasi-intacts les attendus, en étant contraints d’abaisser ensuite notre seuil d’exigence au moment des corrections, dans le souci de ne pas pénaliser les élèves pour une situation dont ils ne sont pas responsables.

Pensez-vous que le Grand oral de juin aura vraiment lieu ? S’il est maintenu, quelles seraient les conditions idéales ?

Nous rappelons que nous ne disposons pas d’horaires dédiés définis nationalement pour préparer les élèves au Grand oral. Sa préparation aurait déjà été très compliquée en temps normal. Mais vue la suppression des heures en présentiel rendue obligatoire pour faire face à la situation sanitaire, il devient impossible de préparer les élèves dans de bonnes conditions. Or maintenir une épreuve alors qu’on ne garantit pas aux élèves de bonnes conditions de préparation revient à déléguer cette charge aux familles ou aux élèves, ce qui ne peut que creuser les inégalités sociales de réussite des élèves. Il semble illusoire de préparer les élèves à la maîtrise de l’art oratoire entre mars et juin.

Le Grand oral, s’il était maintenu, ne pourra avoir lieu dans de bonnes conditions, les élèves ne pourront pas y être bien préparés. A l’avenir, maintenir une épreuve finale à l’oral est intéressant, à condition qu’elle prenne appui sur les savoirs enseignés et que les enseignants puissent former convenablement leurs élèves.

Quels sont vos conseils pour encourager les élèves pour cette année scolaire difficile ?

Nous les soutenons et les encourageons tous les jours, nous les avons accompagnés au mieux l’année dernière malgré des conditions très difficiles.
Mais à l’impossible nul n’est tenu, et, dans l’immédiat, nous leur conseillons de signer la pétition, afin que le MEN cesse de faire la sourde oreille à leurs difficultés.

 

https://www.studyrama.com/revision-examen/bac/actualite/les-syndicats-et-associations-de-professeurs-demandent-107592

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