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PARCOURSUP, ANNÉE ZÉRO

Une prof principale : «Je n’ai jamais vu de telles tensions entre familles et enseignants »

 
Parcoursup, année zéro

Elèves, profs, conseillers d’orientation mais aussi enseignants-chercheurs… Tous sont en première ligne face à la réforme de l’accès au supérieur, qui se met en place à toute vitesse. «Libération» leur donne la parole pour qu’ils racontent les bouleversements en cours.

La réforme de l’accès à l’université se met en place au pas de course. Alors que la loi n’a pas été votée de façon définitive par le Parlement, des changements importants s’opèrent en ce moment dans les lycées et les universités. Première modification, certainement la plus visible et médiatique, la nouvelle plateforme Parcoursup, remplaçante d’APB (Admission post-bac), opérationnelle depuis le 22 janvier. Mais derrière cet outil, c’est bien une refonte en profondeur de l’accès à l’université qui se joue.

Elèves de terminale, étudiants en réorientation, profs principaux de lycée, conseillers d’orientation, parents mais aussi enseignants chercheurs et équipes administratives côté fac, tous se retrouvent en première ligne. Libération a décidé de leur donner la parole de façon régulière. Pour que chacun raconte, avec ses mots et son ressenti, cette réforme vécue de l’intérieur.

A lire aussi, le premier épisode de «Parcoursup, année zéro» : Benie, en terminale à La Courneuve.

Aujourd’hui, une professeure principale de terminale ES

[Elle préfére rester anonyme pour ne pas avoir d’ennui avec sa hiérarchie. Elle enseigne les sciences économiques et sociales (SES) dans un lycée semi-rural de 1 600 élèves dans les Hauts-de-France.]

«L’un de mes collègues est venu me trouver en décembre pour me dire qu’il était nommé deuxième prof principal dans ma classe de terminale. C’est un détail, mais nous n’avons eu aucune information officielle, ni même sur la répartition de qui fait quoi. Tout s’est fait à l’arrache. Le proviseur a même été obligé de désigner certains profs d’office car il n’y avait pas suffisamment de volontaires.

«La prime de 1 200 euros annuelle [versée aux professeurs principaux, ndlr] ne suffit pas pour convaincre, vu les responsabilités et le brouillard dans lequel nous sommes. En janvier, je me suis quand même retrouvée à présenter un PowerPoint sur le fonctionnement de Parcoursup qu’on m’a communiqué… trente minutes avant la réunion ! Les parents étaient déjà dans les couloirs. C’était limite un sketch. On ne nous laisse pas le temps de comprendre comment cela fonctionne et nous ne sommes pas formés pour l’orientation. On fait comme si Parcoursup était simple mais ce n’est pas simple du tout !

«Forcément, cela crée une grande nervosité chez les élèves et les parents. J’enseigne depuis trente ans, et je n’ai jamais vu de telles tensions entre familles et enseignants. J’ai beaucoup de demandes de rendez-vous, ils sont inquiets. Ils prennent conscience que nous, professeurs, avons davantage de poids dans la sélection de leurs enfants pour la suite. On reçoit des lettres anonymes de parents, jamais je n’avais vu cela auparavant. L’une d’elle dénonçait par exemple tel professeur, en congé maladie mais croisé au supermarché…

«Et puis, les règles sont modifiées en cours de route. Quand les élèves ont choisi leur option l’année dernière, cela n’avait pas d’incidence sur leur accès à l’université. Maintenant oui. Par exemple, pour rentrer à l’université d’Assas (à Paris) en sciences éco, il est indiqué dans les attendus que suivre l’option maths en terminale ES est « fortement conseillé ». Ils n’en savaient rien. Moi non plus, je n’en savais rien. Je leur réponds quoi ? On perd toute crédibilité devant nos élèves et leurs parents.»

Marie Piquemal

 

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