Nouvelles menaces sur les SES?
Mediapart, 9 janv. 2017, Par claude lelièvre, Blog : Histoire et politiques scolaires
Selon l’excellent site « Le Café pédagogique » (et selon une source proche de l’Association des professeurs de Sciences économiques et sociales), « la section Economie de l’Académie des sciences morales et politiques (ASMP), dirigée par Michel Pébereau préparerait un nouveau rapport sur les SES. L’association craint une opération identique à celle de 2008 avec des pressions sur les contenus enseignés. Le rapport pourrait sortir à temps pour s’intégrer dans la campagne présidentielle ».
Effectivement, en juin 2008, un rapport a été remis au ministre Xavier Darcos, le rapport de la commision ‘Guesnerie » qui se prononçait pour une modification profonde des méthodes, manuels et thèmes enseignés en SES.
Sous sa forme initiale (filière ‘’B’’) la filière qui sera ensuite appelé « SES » est déjà en quelque sorte une ‘’ miraculée’’. Lorsqu’il est décidé en 1965 de structurer l’enseignement des lycées en ‘’filières’’ bien distinctes, une filière ‘’B’’, entièrement nouvelle, doit apparaître aux côtés des filières ‘’A’’ (lettres), ‘’C’’ (maths-physique) et ‘’D’’ (biologie) pour ce qui concerne l’enseignement général. Or, ce qui est envisagé par l’inspection générale, c’est une filière ‘’psychologie’’ (destinée en principe et en priorité aux jeunes filles…).Le ministre de l’Education nationale en exercice (Christian Fouchet) ne s’y opposait pas, bien au contraire.
Mais Louis Astre (secrétaire général du SNET, principal syndicat de l’enseignement technique) et Jacques Narbonne (conseiller pour l’éducation à l’Elysée) proposent, eux, la création d’une filière ‘’B’’ (économie). Et c’est le président de la République – Charles de Gaulle lui-même – qui tranche (en fonction de l’attention qu’il porte à la ‘’guerre économique’’ qu’il mène – en bon nationaliste moderne – dans le contexte du Traité de Rome qui a institué le Marché commun européen en 1957)
Cette filière ‘’B’’ va se faire peu à peu une place au soleil, qui va même finir par faire de l’ombre aux autres, en premier lieu à la filière ‘’littéraire’’. Par ailleurs, il n’est pas sûr – loin s’en faut – qu’elle ait répondu aux désirs des ‘’pouvoirs économiques’’. A ce sujet, on pardonnera sans doute à un ancien membre de la Commission Thélot de faire état de l’intervention d’un certain Michel Pébereau (président du comité sur l’éducation du Medef, organisme patronal bien connu) lors de son audition le 12 mai 2004 par la Commission »Thélot ».
« Il faut veiller, dans les programmes comme dans les manuels, à ce qu’il n’y ait pas une représentation caricaturale de l’entreprise. L’analyse objective – la dernière fois on l’a fait faire par la SOFRES – de l’entreprise vue à travers les manuels scolaires, nous en en donne une vision terrible ! Car elle est essentiellement centrée sur l’histoire, l’histoire des luttes sociales notamment, et donc sur une réalité de l’entreprise qui a existé mais dans laquelle plus personne aujourd’hui ne reconnaîtrait une entreprise […]. Deux voies sont ouvertes. La première est de faire en sorte qu’au niveau de l’enseignement, on fasse une présentation de l’entreprise qui corresponde à la réalité d’aujourd’hui […]. La seconde, c’est d’essayer d’organiser des contacts, avec les écoles et les enseignants qui le souhaitent, qui permettent d’avoir une certaine connaissance de l’entreprise […]. Nous avons commencé à le faire pour les professeurs d’économie du secondaire dans le cadre de l’Institut de l’entreprise. C’est plus difficile de le faire avec les enseignants de collège ».
Le rapport de la Commission ‘’Guesnerie’’ sur l’enseignement des SES (sciences économiques et sociales) qui a été remis en juin 2008 au ministre de l’Education nationale Xavier Darcos souhaitait l’extension de son enseignement à tous les élèves de seconde, tout en se prononçant pour une modification profonde des méthodes, des manuels et des thèmes enseignés.
Selon le rapport de juin 2008, « les programmes de SES au lycée donnent l’impression qu’un enseignement de ‘’problèmes politiques, économiques et sociaux contemporains’’ est dispensé aux élèves, plutôt qu’un enseignement de sciences sociales visant à leur faire acquérir les fondamentaux de l’économie et de la sociologie ». Pour ceux qui n’auraient pas compris, le rapport ajoutait : « Les chapitres sociologiques du programme prêtent le flanc à deux tentations regrettables : la première est de donner à croire que l’objectif majeur ou unique de l’analyse est d’ordre critique et démystificateur ; la seconde tentation est de se centrer beaucoup trop sur les problèmes sociaux contemporains (nouvelles pauvretés, renouveau et aggravation des inégalités, etc) ». A suivre…