Lycée : un rapport plaide pour des sciences éco obligatoires pour tous en seconde

Un avis commandé en 2016, en pleine polémique sur les programmes de sciences économiques et sociales, vient d’être présenté au Conseil supérieur des programmes. Il plaide pour un enseignement plus ouvert des SES. Un sujet sensible.

LE MONDE | 18.10.2017 à 10h29 | Par Aurélie Collas

C’est un rapport qu’on n’attendait plus. Celui censé mettre tout le monde d’accord sur les sciences économiques et sociales (SES) au lycée et apaiser la vieille querelle idéologique autour de cet enseignement. Mais en préconisant de rendre les SES obligatoires en classe de seconde, d’alléger les programmes ou d’accroître la place donnée à la sociologie, on peut penser que le consensus sera difficile – si tant est qu’il soit seulement possible, dans cette discipline qui fait l’objet de critiques récurrentes et de débats virulents.
Le rapport a été lancé en juillet 2016, en pleine polémique sur les programmes de SES. La suppression du « marché » de la liste des thèmes obligatoires à aborder en seconde avait soulevé l’indignation dans les milieux patronaux. Une « erreur dramatique », pour le Medef, un « contresens total ». Pour calmer le jeu, la ministre de l’éducation, Najat Vallaud-Belkacem, avait chargé deux instances consultatives, le Conseil supérieur des programmes (CSP) et le Conseil national éducation économie (CNEE), de lui remettre un avis. Mais la démission de cinq chefs d’entreprise du CNEE, au motif notamment qu’ils n’avaient pas été consultés sur l’allègement du programme, a retardé les travaux. Le rapport devait être remis en janvier 2017, le voilà seulement maintenant abouti, prêt à être présenté au nouveau ministre, Jean-Michel Blanquer.

Rééquilibrage préconisé
Que préconise-t-il ? Tout d’abord, un lycée où tous les élèves seraient initiés aux SES. La discipline deviendrait obligatoire en seconde, alors qu’elle a aujourd’hui un statut optionnel – les élèves choisissent entre deux enseignements d’exploration, SES ou économie-gestion. Elle serait ensuite proposée en option aux élèves de première et de terminale des autres filières que la série économique et sociale. L’enjeu : former l’ensemble des élèves à cette « troisième culture » entre les humanités et les sciences, « les amener à poser  les termes de débats sociétaux auxquels l’actualité les confronte régulièrement, leur permettre de comprendre l es mécanismes économiques sous-jacents et les démarches des sciences sociales ».

Autre axe du rapport : les programmes. La science économique y prend trop de place ; un « rééquilibrage » est préconisé au profit de la sociologie et de la science politique. Les liens entre SES et mathématiques doivent être « resserrés ». Surtout, deux critiques en creux sont faites des programmes actuels, mis en œuvre en 2011 : d’une part, parce qu’organisés autour d’une longue liste de notions théoriques à aborder, ils sont jugés trop « lourds » et « encyclopé diques ». Les deux instances plaident pour un allégement. D’autre part, parce qu’ils séparent nettement l’économie, d’un côté, la sociologie, de l’autre.

Sans le dire, le rapport plaide pour que les programmes soient davantage fidèles à la définition originelle des SES pensée dans les années 1960 sous l’influence des partisans de l’unité des sciences sociales : faire se croiser, à partir d’objets déterminés – travail, entreprise, famille, etc. –, les approches de la science économique, la sociologie, la démographie, la science politique… Côté pédagogie, on retrouve aussi, dans le rapport, la préférence d’origine pour une démarche active, faite de travail en groupe, de projets, débats, plutôt que pour le cours magistral.

Attaques récurrentes
Reste que ses auteurs semblent ne guère avoir d’illusions sur les réactions que le rapport suscitera. Eux qui ont tenu dans leur avis à se faire l’écho de positions « très contrastées », de « désaccords  »,de « visions différentes ». Les SES font l’objet d’attaques récurrentes de la part du monde des entreprises : on déplore leurs « biais idéologiques » – trop à gauche –, on leur reproche de mettre trop l’accent sur les problèmes (chômage, précarité, effets pervers de la mondialisation), ou de diaboliser l’entreprise.

Du côté des universitaires, des économistes déplorent leur manque de « rigueur » scientifique : les SES consistent, à leurs yeux, à donner aux élèves une culture générale nourrie de faits et d’opinions diverses, sans assez insister sur les outils d’analyse et les concepts fondamentaux de l’économie. Soucieux que les SES s’enseignent davantage comme à l’université et préparent mieux aux études d’économie, ces universitaires plaident pour un enseignement plus cloisonné : économie, d’un côté, sociologie, de l’autre. C’est le sens des programmes actuels, caractérisés par moins de « regards croisés », des contenus plus abstraits et formalisés.

Parmi les enseignants, la position dominante – représentée par l’Association des professeurs de SES – est critique vis-à-vis de cette dernière génération de programmes. Les SES ne sont pas, pour eux, une « propédeutique » à l’enseignement supérieur, mais bien une formation de culture générale, pluraliste, à visée citoyenne.

Sans trancher clairement, l’avis du CSP et du CNEE sous-entend cependant qu’il serait peut-être temps de rééquilibrer les choses.

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