« Mars ou crève ! » Les profs défendent le bac et leurs élèves

Éducation Associations et syndicats demandent ensemble le report en juin des épreuves de spécialités du bac. Calées dès mars pour satisfaire au calendrier de Parcoursup, elles transforment l’année de terminale en une course de vitesse maltraitante et dépourvue de sens.

Le bac en mars ? Pour les enseignants, c’est la « course impossible ». Et ils comptent le montrer, ce mercredi 25 janvier, à partir de 15 h 30, en… courant autour du ministère de l’Éducation nationale pour demander le report en juin des épreuves prévues en mars. Fait à souligner : ce sont les associations disciplinaires, peu coutumières de ce genre d’action revendicative, qui ont pris l’initiative de cette protestation. L’appel de la Conférence des associations de professeurs spécialistes a été rejoint par la plupart des syndicats (Snes et Snep-FSU, SUD éducation, CGT Éduc’Action, SNLC-FO et Snalc).

Rappel des faits : avec la réforme Blanquer du bac général, une grande partie de celui-ci se joue sur les épreuves terminales des deux spécialités que les candidats ont choisies. Celles-ci se déroulent non plus en juin, mais dès le mois de mars (entre le 20 et le 22 mars, cette année). C’est le calendrier de Parcoursup, avec la clôture du dépôt des dossiers le 6 avril, qui dicte ce rythme. La chose était passée quelque peu inaperçue jusqu’à présent, et pour cause, les perturbations dues à l’épidémie de Covid-19 ayant imposé, ces trois dernières années, le report des épreuves de spécialités ou leur passage en contrôle continu.

L’an dernier, devant l’impossibilité d’organiser ces épreuves en mars, le ministère avait dû se résoudre à les décaler en mai. Avec, déjà, de nombreux effets délétères : certains lycées avaient dû fermer à l’avance afin d’organiser les épreuves, d’autres avaient fermé tout à fait, certains enfin avaient pu rester ouverts… tout cela au détriment des élèves de seconde et de première. La complexité et la rigidité des emplois du temps imposés par la réforme, avec leurs nombreux groupes de spécialités constitués d’élèves provenant de multiples classes, ont aussi contraint certains centres d’examens à organiser certaines épreuves sur… deux jours, obligeant à prévoir deux sujets différents. Conséquence : la rupture du principe même d’égalité devant l’examen, la différence de difficulté entre deux sujets de la même spécialité étant parfois flagrante.

« Parcoursup, un outil pour trier les élèves »

Tout cela se répétera cette année, dès mars. Avec un raccourcissement des délais qui accentue encore les problèmes… et le stress, pour les élèves comme pour leurs enseignants. « On voit la pression monter depuis la rentrée des vacances de Noël, explique Sophie Vénétitay, du Snes-FSU. C’est la course contre la montre pour tenter de finir les programmes. » Plutôt en pointe sur le sujet, l’Association des professeurs de sciences économiques et sociales (Apses) a procédé à une enquête auprès des enseignants de sa matière. À la date du 17 décembre, soit après treize semaines de cours et alors qu’il en restait neuf avant les épreuves, un tiers d’entre eux se disaient en retard, avec trois chapitres traités sur les sept au programme. « On est inquiets pour la préparation méthodologique de nos élèves, confie le président de l’Apses, Benoît Guyon. Jusqu’à présent, à cette période de l’année, on a tous déjà fait un devoir en quatre heures », soit le format de l’épreuve terminale. « Cette fois, plus de la moitié des collègues n’a pas trouvé le temps de le faire. »

Ce retard est dommageable tant pour la préparation des élèves à l’examen que pour la poursuite de leurs études. «Les élèves apprennent de leurs erreurs, reprend Benoît Guyon, mais nous n’avons plus le temps de les faire progresser, pratiquement plus la possibilité d’organiser des séances de remédiation en cas de difficulté… Les notes ne valident plus le travail de l’élève, une progression, elles entérinent un niveau socioculturel. Bien évidemment, ce sont les élèves les plus fragiles qui en font les frais. C’est « mars ou crève ». »

Si Pap Ndiaye avait semblé entrouvrir la porte à de possibles aménagements en septembre, celle-ci s’est totalement refermée depuis. « Parcoursup, outil central pour trier les élèves et gérer la pénurie de places dans le supérieur, dicte tout », observe Sophie Vénétitay. « Le lycée n’est plus que l’antichambre de Parcoursup, confirme Benoît Guyon. Nous ne sommes plus là pour enseigner, mais pour produire des notes – dont la pertinence est d’ailleurs remise en question par nos collègues du supérieur, qui commencent à se demander dans quelle mesure ces épreuves de mars reflètent le niveau réel des élèves. » Cet après-midi, on verra que ce qui fait courir les professeurs, c’est la réussite de leurs élèves, et l’exigence d’un changement du calendrier du bac qui rende au lycée sa place dans les apprentissages.

Olivier Chartrain

Benoît Guyon

 

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