Programmes de SES ou comment rendre indigeste une discipline savoureuse
CLAUDE GARCIA 27/09/2020, Blog Alternatives économiques
Dans cette tribune, l’APSES (association des professeurs de SES), après une enquête sur les programmes demande une réécriture et leur substantiel allégement. Je ne reprendrai pas en détail son analyse, mais je veux attirer l’attention sur quelques points.
Une question qui n’ a pas dû effleurer l’esprit des concepteurs des programmes
La question est pourtant simple. Qui sont les secondes qui vont découvrir les SES? Ce ne sont pas encore de futurs étudiants, mais d’ex collégiens, plus enclins aux gamineries, qu’à la compréhension de l’économie et la société dans lesquelles ils vivent. Ils y viendront, mais on aurait pu éviter de les accabler avec le chapitre (que les inspecteurs souhaitent voir traités en premier): Comment les économistes, les sociologues, les politistes raisonnent-ils et travaillent-ils?
Débuter par une découverte plus habituelle des SES, montrant qu’on peut aborder une question sous un triple angle et en commençant à introduire un peu de vocabulaire spécifique était bien plus raisonnable. Je note au passage que c’est ce qui se fait en HGGSP (histoire géographie, géopolitique et sciences politiques).
L’indigestion microéconomique en première
Si l’élève de seconde a pu surmonter ce hors- d’oeuvre, l’élève de première va attaquer un copieux plat de résistance sur le marché. Marché dans toutes ses formes et modèles, si éloignés de la réalité et en 3 chapitres trop lourds.
D’une manière générale, on veut interdire aux professeurs de SES de faire des SES, c’est-à-dire de respecter l’esprit fondateur de la discipline. Les regards dits croisés ne sont autorisés qu’en fin de programme, pour les 3 niveaux du lycée. Entendons-nous, les professeurs n’abusent pas de ces éclairages croisés. Ils savent cloisonner leur enseignement, pour ne pas trahir la rigueur de l’économie ou de la sociologie, mais là on sent que le programme est fait pour nous tenir en laisse.
Et pourtant, il reste encore des clients pour les SES
Apparemment, les tables ne sont pas vides dans les salles réservées aux SES. Ce n’est pas grâce aux concepteurs des menus. Ils regroupent les représentants du pouvoir ( politique et économique) qui depuis la création des SES se méfient d’elles, se méfient de ceux qui aident les élèves à penser par eux-mêmes.
On trouve aussi l’influence grandissante d’économistes universitaires, qui n’arrivent pas à se consoler du fait qu’on ne peut pas sérieusement faire passer l’économie pour une science exacte. Ils en veulent aux professeurs de SES de présenter l’économie comme une science humaine. Ils veulent prouver que l’économie est une sorte de science appliquée, ce qui implique d’imposer un discours normatif, pseudo démontré. On y trouve aussi des professeurs de SES qui appuient cette démarche. Ils sont sincères, mais leur quête de respectabilité pour les SES auprès de l’université, leur fait oublier leur originalité.
Si malgré tout, il reste des volontaires pour les SES, ce n’est pas grâce aux menus proposés, mais au savoir-faire des enseignants. Ils arrivent à continuer de donner de la saveur à ce qu’ils proposent. Il faut souvent ruser avec le programme, l’épicer pour qu’il ne devienne pas un gavage contre-productif .
Méfions nous quand même de la concurrence
Ne versons pas dans l’autosatisfaction, sous prétexte que c’est grâce à nous, moins mal que ce que l’on pouvait craindre. Nous devons améliorer ce que nous proposons sur le fond, nous devons mieux être associés aux programmes servis et aussi cherchons à améliorer les conditions d’accueil de nos élèves. Il nous faut retrouver des possibilités de dédoublements, pour travailler efficacement avec le numérique et développer des compétences, notamment orales.
Ne sous-estimons pas la concurrence de l’HGGSP. Le supérieur demande des compétences transverses, et on aurait tort de croire que les SES seront forcément plus prisées que l’HGGSP dans les attendus pour le supérieur. Au passage, moi qui enseigne aussi en HGGSP en première, je suis consterné quand je vois les activités diversifiées et stimulantes que je peux facilement proposer en début d’année, alors qu’avec le programme de SES, c’est bien plus laborieux.
N’abdiquons pas sur notre présence en HGGSP. Revenons sur cet échec collectif (des professeurs à l’Inspection générale) pour infléchir ces programmes et trouver une place bien définie (comme dans la plupart des nouvelles disciplines, dont HLP qui accorde une part égale au français et à la philosophie).
Après tout, on est en droit d’intenter une action pour publicité mensongère. On évince les professeurs de SES de HGGSP, dans la plupart des lycées, et pourtant, on y met en avant les sciences politiques qui y sont fort peu présentes.