Les ratés du « bac Blanquer »

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Programmes écourtés, absentéisme en avril… le baccalauréat général, qui se déroule enfin « normalement » après deux années bousculées par le Covid, est très contesté. Profs et parents dénoncent les « absurdités » de la réforme.
Frédéric Gouaillard

Reçu avec mention. Pour le ministère de l’Éducation nationale, « l’ensemble du processus s’est déroulé sans incident ». Jeudi 13 avril, au lendemain des résultats des épreuves de spécialité du baccalauréat 2023, qui se tenaient pour la première fois en mars, le communiqué des équipes de Pap Ndiaye adressait tout de même une mise en garde aux 536 000 élèves candidats qui se penseraient déjà en vacances : « Les appréciations du livret scolaire du lycéen (LSL) rendront compte […] de l’assiduité, du travail, des progrès et de la capacité à réussir de chacun sur l’ensemble de l’année, troisième trimestre compris. » Pas sûr, pourtant, que ce rappel au règlement trouve un grand écho dans les classes (vides) des terminale.

L’absentéisme monte en flèche

Comme « le Parisien » – « Aujourd’hui en France » le relatait la semaine dernière, de nombreux élèves ont déserté les cours. D’autres se sont organisé un emploi du temps à la carte. Une forme de dilettantisme a gagné les salles de classe depuis que la réforme du bac permet aux candidats, en additionnant les notes des deux épreuves écrites de mars et la moyenne du contrôle continu (82 % de la note finale), de savoir dès le 12 avril s’ils ont décroché leur diplôme. C’est un des nombreux biais de la réforme de l’examen mise en place sous le mandat de Jean-Michel Blanquer, qui est aujourd’hui de plus en plus contestée. Même le principal syndicat des chefs d’établissement, à l’origine favorable à cette refonte qui s’appuyait sur celle du lycée, a revu ses positions.

1,2 million d’heures perdues

« Nous avons toujours milité pour une simplification du baccalauréat et, au départ, nous avions soutenu l’idée que les épreuves écrites de spécialité puissent être décalées pour être prises en compte dans Parcoursup, mais pas dans ces conditions-là, explique Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale (SNPDEN). Nous disons aujourd’hui qu’il faut remettre ces épreuves de spécialités au mois de juin. En termes de cours perdus et de décrochage des élèves, le jeu n’en vaut pas la chandelle. »

L’organisation des épreuves au mois de mars aurait fait perdre, selon le syndicat, 1,2 million d’heures de cours puisque les élèves de 2 de et ceux de 1 re sont également affectés par la mobilisation des locaux et des professeurs correcteurs. « De plus, les élèves sont conditionnés par le fait que quand l’examen est passé, l’année est terminée. Dans mon établissement, l’absentéisme des terminale, même si le taux n’était pas très haut, a doublé. Et jusqu’ici, ils n’avaient pas encore leurs notes de spécialité », note Bruno Bobkiewicz.

Des annonces de dernière minute

Les annonces in extremis ont déboussolé les candidats, et leurs parents. Le ministère a communiqué sur l’allégement des programmes… fin septembre, pour coller aux examens de mars. Ou bien encore offert deux journées off aux élèves pour réviser à quelques encablures des examens en mars.

« On se sent un peu démunis face à un système qui démobilise les élèves et les professeurs, explique Denis, dont le fils passe un bac STI2D dans le Val-de-Marne. D’un côté, il y a des élèves qui savent qu’ils ont déjà le baccalauréat et n’attendent plus que Parcoursup. Mon fils, par exemple, a bien conscience du calendrier et surtout n’a plus aucune pression pour bosser le soir. Il n’y a plus de devoirs sur table, plus de contrôles à réviser. De l’autre, il y a les profs censés préparer les élèves au supérieur mais qui ne font rien faute de consignes claires, sans doute, mais aussi par manque d’initiative. »

La philosophie, grande perdante ?

Auparavant, l’épreuve de philosophie avait une place de choix, c’était la première matière sur laquelle les candidats composaient en juin. Dans ce bac réformé, l’épreuve se déroule le 14 juin, mais les professeurs sont inquiets. « Jean-Michel Blanquer nous avait promis que la philo serait sanctuarisée, mais c’est l’inverse qui se produit avec une épreuve invisibilisée, raconte Marie Perret, présidente de l’Association des professeurs de philosophie. Aujourd’hui, on se rend bien compte que les élèves savent qu’ils ont le bac et que l’épreuve de philosophie est le dernier de leur souci. En cours, ceux qui sont présents demandent à parler de l’actualité, à faire des débats. En tant que professeurs, nous avons l’impression d’être les dindons de la farce. »

La fin du sujet unique, motif à controverse

Ils ne sont pas les seuls. Plusieurs associations de professeurs et des parents ont dénoncé ces derniers jours une rupture d’égalité liée aux sujets des écrits de spécialité. Chaque élève choisissant deux matières parmi douze possibles, les combinaisons sont trop nombreuses pour que les élèves d’une même spécialité composent tous le même jour lors d’épreuves organisées en trois jours.

Certains parents, soutenus par des enseignants, fustigent cette procédure, qu’ils jugent « inégalitaire », étant donné que les sujets, en maths et SVT, leur semblent de niveau différent d’un jour sur l’autre. Pour compenser, le ministère a dû remonter certaines notes de SES « de 1 à 2 points », selon Benjamin Quennesson, cosecrétaire général de l’Association des professeurs de sciences économiques et sociales (Apses). Qui reconnaît que, si l’harmonisation n’est pas une pratique nouvelle, son caractère généralisé découle d’une des « nombreuses absurdités du bac Blanquer ».

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