Sciences économiques et sociales : l’allégement des programmes en seconde a ravivé la discorde

Un avis sur l’enseignement de l’économie au lycée, demandé par le ministre de l’éducation nationale, est attendu prochainement.

LE MONDE ECONOMIE | | Par Aurélie Collas

Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, et Michel Lussault, président du Conseil supérieur des programmes, en septembre 2015.
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, et Michel Lussault, président du Conseil supérieur des programmes, en septembre 2015. THOMAS SAMSON / AFP

C’est « le » rapport censé mettre tout le monde d’accord. Pour apaiser la vieille querelle idéologique autour des sciences économiques et sociales (SES) au lycée, qui a connu, à l’été 2016, un nouveau sursaut, la ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, avait chargé deux instances de lui remettre un « avis » sur l’enseignement des SES pour la fin janvier. Mais comme, dans cette discipline, la notion de consensus n’est toujours pas au programme, les travaux ont pris du retard. Il faudra sans doute attendre mars, pas avant.

La traditionnelle opposition entre certains dirigeants d’entreprise et les SES a été réveillée par la décision du gouvernement, annoncée en juin 2016, d’alléger le programme d’économie en classe de seconde – répondant à une demande de représentants des professeurs de SES, qui reprochaient aux programmes d’être trop lourds, impossibles à boucler. Il n’y aurait donc plus que quatre thèmes obligatoires à traiter au lieu de cinq. Exit le marché : la question « Comment se forment les prix sur un marché ? » devenait facultative.

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L’indignation des chefs d’entreprise ne s’est pas fait attendre. Le 30 juin, le Medef publie un communiqué : « Halte à la braderie ! » L’organisation patronale dénonce une « erreur dramatique », un « contresens total ». Dans les journaux, des grands patrons du CAC 40 mettent les SES au pilori : enseignement « biaisé », « marxiste », « déconnecté de la réalité économique »… L’Académie des sciences morales et politiques – dont la section économie est principalement composée de dirigeants d’entreprise – adopte une motion demandant au ministère de revenir sur une décision qui lui semble « inconcevable ».

Tentative d’apaisement

Pour calmer le jeu, Najat Vallaud-Belkacem saisit, le 19 juillet, deux instances consultatives : le Conseil supérieur des programmes (CSP) et le Conseil national éducation-économie (CNEE) – une instance installée en 2013 pour rapprocher l’école de l’entreprise. Reconnaissant que « les SES sont au cœur de questionnements récurrents », la ministre leur demande de lui remettre, pour le 27 janvier 2017, un « avis sur les compétences et les connaissances que doit maîtriser un élève ayant suivi un enseignement de SES au lycée ».

La tentative d’apaisement n’a pas empêché cinq chefs d’entreprise siégeant au CNEE de claquer la porte du Conseil en septembre, au motif, notamment, que le CNEE n’avait pas été consulté sur l’allégement du programme. « Certes, c’était sans doute une maladresse, mais il était inutile d’en faire une maladie !, s’agace encore Pierre Ferracci, le président du CNEE. Surtout que le ministère nous a ensuite confié une mission bien plus large. »

Parmi les démissionnaires figurent Xavier Huillard (PDG de Vinci), Henri Lachmann (censeur du conseil d’administration de Schneider Electric) et Michel Pébereau (ex-PDG de BNP Paribas), l’un des fers de lance de la traditionnelle offensive patronale contre les SES. Hasard ? L’Académie des sciences morales et politiques, dont M. Pébereau vient de prendre la présidence, doit présenter, lundi 30 janvier, son diagnostic (critique) sur l’enseignement de l’économie au lycée.

« Le groupe de réflexion devait vite se mettre au travail, mais cela n’a pas été possible après la vague de démissions qui a touché le CNEE, observe Michel Lussault, le président du CSP. On a perdu deux mois et demi. » Le groupe en question devra se prononcer sur plusieurs questions sensibles : faut-il étendre les SES à toutes les séries du lycée ? Maintenir le lien entre économie et sociologie ? Faire une place au droit, à la gestion ? Etc. « L’exercice est périlleux, reconnaît Philippe Watrelot, professeur de SES et membre du groupe de travail, alors que les tensions, les rancœurs et les postures idéologiques sont toujours vives dans le petit monde des sciences économiques et sociales. »

http://abonnes.lemonde.fr/education/article/2017/01/27/sciences-economiques-et-sociales-l-allegement-des-programmes-en-seconde-a-ravive-la-discorde_5069994_1473685.html?xtmc=allegement_des_programmes&xtcr=1&h=14

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