L’APSES a été auditionnée le 24 novembre 2017,  avec d’autres associations disciplinaires,  par la Mission mathématiques que le Ministre de l’éducation nationale a confié à Cédric Villani (député) et Charles Torossian (IGEN).

Voici la contribution que l’APSES a préalablement transmise à la Mission Mathématiques.

Mathématiques et sciences économiques et sociales

Note de l’APSES à destination de la mission Mathématiques

  1. Les Sciences économiques et sociales et leurs rapports avec les mathématiques

Les sciences économiques et sociales sont présentes au lycée comme enseignement d’exploration en classe de seconde (1H30 par semaine, enseignement choisi par 85% des élèves), puis comme discipline principale de la série ES (5H par semaine). Les SES sont un enseignement pluridisciplinaire, qui sur un certain nombre d’objets d’études contemporains (l’emploi, la production, les inégalités entre femmes et hommes, etc.) associe diverses sciences sociales, principalement l’économie, la sociologie et les sciences politiques.

Les disciplines de référence des SES entretiennent des liens étroits avec les mathématiques d’un double point de vue :

  • Les mathématiques, et particulièrement les statistiques dans leurs dimensions de recueil et de traitement des données, servent d’élément d’administration de la preuve empirique ;

  • Les mathématiques servent comme langage pour mettre en forme les raisonnements. La modélisation occupe ainsi une place importante en économie, mais est également utilisée en sociologie (par exemple dans l’analyse des réseaux) ou en sciences politiques.

  1. Les élèves de la série ES et les mathématiques : profil avant l’entrée en série ES et débouchés post-bac

Chaque année, ce sont plus de 120 000 élèves qui entrent en première ES. A la rentrée 2016, la série ES regroupe près d’un quart des élèves de Terminale générale et technologique Ce sont plus souvent des filles (60% des effectifs), d’origine sociale similaire à la population générale des classes de seconde (et donc moins favorisée socialement que les élèves de la série S), avec des résultats scolaires là aussi proches de la moyenne des élèves de seconde. Concernant leur rapport aux mathématiques, il faut noter que 45% des élèves de seconde ayant demandé en 1er vœu 1ère ES ont eu moins de 10 à l’épreuve de mathématiques du brevet des collèges, 23% entre 10 et 12 et 32% plus de 12. A titre de comparaison, ces proportions sont respectivement de 15, 16 et 70% pour les élèves demandant 1ère S en premier vœu, et de 40, 18 et 43% pour l’ensemble des élèves de seconde générale et technologique.

Après le bac ES, leurs poursuites d’études sont diversifiées. Les formations du supérieur demandant un niveau relativement élevé en mathématiques concernent moins de 20% des élèves, aux premiers rangs desquels ceux qui poursuivent en L1 d’économie gestion (9%) et en classes préparatoires (6%).

  1. Didactique des SES et mathématiques

A tous les niveaux d’enseignement, les programmes de SES énoncent les « savoir-faire applicables aux données quantitatives et aux représentations graphiques » que les élèves doivent maîtriser. Les programmes précisent que « L’enseignement des sciences économiques et sociales doit conduire à la maîtrise de savoir-faire quantitatifs, qui ne sont pas exigés pour eux-mêmes mais pour exploiter des documents statistiques ou pour présenter sous forme graphique une modélisation simple des comportements économiques ou sociaux. »

A titre d’illustration, voici les savoir-faire listés en classe de terminale :

Calcul, lecture, interprétation
-Proportions, pourcentages de répartition (y compris leur utilisation pour transformer une table de mobilité en tables de destinée et de recrutement)
– Moyenne arithmétique simple et pondérée
– Évolutions en valeur et en volume
– Propensions moyenne et marginale à consommer et à épargner
– Élasticité comme rapport d’accroissements relatifs
– Écarts et rapports interquantiles
– Mesures de variation : coefficient multiplicateur, taux de variation, indices simples et pondérés
Lecture et interprétation
– Corrélation et causalité
– Tableaux à double entrée
– Taux de croissance moyen
– Médiane, écart-type
– Élasticité prix de la demande et de l’offre, élasticité revenu de la demande

– Représentations graphiques : courbes de Lorenz, histogrammes, diagrammes de répartition, représentation des séries chronologiques, y compris les graphiques semi-logarithmiques
– Représentation graphique de fonctions simples (offre, demande, coût) et interprétation de leurs pentes et de leurs déplacements

On retrouve dans cette liste à la fois l’objectif d’utilisation des données pour tenter d’administrer la preuve empirique, et l’objectif de formalisation (sous forme graphique uniquement).

Les épreuves de baccalauréat en SES proposent systématiquement des documents statistiques aux élèves, ces derniers devant les utiliser au sein d’une argumentation.

  1. Les mathématiques dans les concours de recrutement des enseignants de SES

  • Au CAPES externe, les mathématiques sont évaluées lors de l’épreuve orale d’admissibilité dite « sur dossier », pour trois quarts composée d’un exercice de transposition didactique sur les programmes de SES, et pour un quart d’un exercice de mathématiques. L’objectif est avant tout de s’assurer que le candidat maîtrise les concepts et les outils mathématiques utiles à un enseignant de sciences économiques et sociales de l’enseignement au lycée. Le programme de l’épreuve correspond d’ailleurs au programme de mathématiques des élèves de la série ES, avec quelques approfondissements.
  • A l’agrégation externe, les mathématiques disposent d’une épreuve orale spécifique, affectée d’un coefficient 2 et d’une durée de 30 minutes. Outre l’objectif d’enseigner les SES au lycée ou en classes préparatoires, l’épreuve vise à mesurer l’acquisition d’un bagage mathématique nécessaire à la compréhension des théories et analyses socio-économiques.
  1. Informatique, mathématiques et sciences économiques et sociales

Si dans les années 1990 et 2000 les SES faisaient une part belle à l’utilisation du numérique pour le traitement des données, force est de constater le recul de ces pratiques depuis la réforme du lycée de 2010 sous une double influence :

  • Des programmes de SES encyclopédiques qui poussent au bachotage au détriment de la mise en œuvre des méthodes des sciences sociales, et notamment des méthodes « quantitatives » ;
  • La fin des dédoublements nationaux : le recueil et le traitement des données ou l’accès à des salles informatiques nécessite des dédoublements qui sont devenus de plus en plus rares.
  1. Analyse et préconisations de l’APSES
  • Les complémentarités entre mathématiques et sciences économiques et sociales illustrent la pertinence d’un lycée organisé en séries : cela permet de penser les programmes en complémentarité. L’APSES souhaite ainsi le maintien d’une série ES dans laquelle le programme de l’enseignement des mathématiques est appliqué aux sciences sociales.
  • L’hétérogénéité du public en série ES dans un contexte de recul global de la maîtrise des mathématiques par les élèves et de diversité importante des poursuites d’études post bac doit amener à proposer en série ES un enseignement de mathématiques commun à tous les élèves à la fois rigoureux et accessible, et une option d’approfondissement qui sera utile à tous les élèves souhaitant par exemple intégrer une licence d’économie-gestion ou des classes préparatoires. Cette option doit avoir un contenu bien plus exigeant que l’actuelle spécialité de mathématiques, qui ne remplit pas aujourd’hui son rôle.
  • L’utilisation du numérique en SES doit être encouragée à la fois par des programmes rénovés et allégés, et par des conditions matérielles appropriées : l’APSES préconise ainsi le rétablissement de dédoublements définis nationalement.
  • Les liens entre programmes de SES et ceux de mathématiques doivent être approfondis. A titre d’exemple, un chapitre de SES sur l’opinion publique et les sondages devrait pouvoir faire référence à ce qui aura été vu préalablement ou conjointement en mathématiques sur le même thème.
  • Les programmes de SES, outre leurs références à des savoir-faire quantitatifs exigibles, gagneraient à mieux mettre en avant des habitudes intellectuelles et modes de raisonnement que les mathématiques contribuent à faire acquérir aux élèves : formulation d’hypothèses et déduction des conclusions, distinction corrélation/causalité, raisonnement « toutes choses égales par ailleurs », etc.
  • Il serait ainsi souhaitable que, comme cela a pu être le cas dans le passé, les membres des groupes d’experts des programmes en mathématiques et en SES puissent travailler de manière concertée.
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