La démarche suivie par la critique de notre manuel dans l’article du Point du 25 octobre 2018 a souvent été employée (d’autres éditeurs ont été aussi concernés par le passé) : il s’agit de dénoncer une démarche « biaisée » remettant en cause le « système ». Pour faire simple, les auteurs sont dits de gauche et mettent en cause la société actuelle. On prend des exemples de documents qui vont dans ce sens et bien sûr on évite de montrer ceux qui remettraient en cause la thèse présentée par le journaliste à savoir « la volonté d’insoumission à la doxa officielle » de l’ouvrage.

On pourrait imaginer un journaliste « anti-système » qui nous reprocherait l’exact contraire, c’est-à-dire d’être de connivence avec celui-ci :

*Par exemple, on pourrait nous reprocher de justifier une baisse des salaires en montrant l’importance des coûts salariaux trop élevés dans l’explication des délocalisations (doc. 1 et 2 p. 118) ; dans cette page en effet l’explication des délocalisations de Natixis est reliée à une différence de coût horaire du travail plus faible au Portugal.

*On pourrait aussi nous reprocher de valoriser la richesse dans l’extrait de BD sur Picsou et de moquer le pauvre qui est idiot puisqu’il refuse de recevoir 50 millions parce qu’il ne peut les transporter car sa voiture est en panne (le but de l’auteur était juste de faire comprendre qu’un pauvre épargnait moins qu’un riche). Et puis, dans ce chapitre, on remet en cause l’idée que tout était moins cher avant en se servant de statistiques officielles, ce qui est le contraire d’un reproche qui nous est fait dans l’article d’alimenter « la défiance de la population envers les statistiques officielles ».

Le reproche le plus infondé, et qui est qualifié de grave par le journaliste, est l’idée que l’auteur du chapitre opposerait les « bonnes entreprises » (celles où l’humain a sa place) aux « mauvaises » (celles qui rechercheraient la rentabilité). Rien dans le résumé du cours en fin de chapitre ne reprend cette idée. L’auteur de l’article lui-même fait remarquer que c’est une interprétation : « De là à penser qu’il y aurait les bonnes et les méchantes… ». Mais tout le monde ne considère pas que la rentabilité est une mauvaise chose, pas l’auteur du chapitre du moins…

*En ce qui concerne « La socialisation selon le milieu social », faire référence à Pierre Bourdieu reste quelque chose de classique en sciences sociales et plutôt bien considéré par la communauté universitaire.

Pour l’anecdote : afin de souligner que la consommation est un marqueur social, on propose « le code vestimentaire des filles du 7ème arrondissement de Paris » dans le chapitre 2. L’article dit : « on imagine mal les auteurs du manuel choisir les codes des jeunes hommes de Seine-Saint-Denis pour illustrer le sujet ». Or c’est ce que nous avions proposé au départ mais nous nous sommes autocensurés de peur de ce que dirait une éventuelle presse bien-pensante. On sait que chaque choix de caricatures, de films, d’affiche… peut être critiqué. Il est alors très difficile de mettre en place une analyse critique utile à la formation du citoyen si tout ce qui peut amener l’élève à réfléchir est vu par certains comme « une volonté d’insoumission ».

Enfin le procédé utilisé dans cet article qui consiste à ressortir d’un manuel de près de 180 pages quelques éléments pour dénoncer une « démarche biaisée » est malhonnête ; on ne peut qu’encourager les lecteurs du Point à lire nos synthèses de chapitres qui servent de cours pour constater que rien dans celles-ci ne confirme les critiques qui nous sont faites.

 

Didier Anselm, directeur de collection

Les Editions HATIER

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