Par Claude Garcia, le 09/07/2019

Les S.E.S (sciences économiques et sociales) sont une quinquagénaire encore alerte dans la série ES, mais dont l’avenir s’assombrit singulièrement.

Les SES depuis leur création dans la deuxième moitié des années 60 ont été menacées, combattues, parfois sournoisement, mais elles ont résisté vaillamment et elles en sont sorties renforcées jusqu’à la réforme Blanquer du lycée.

Si elles ont subi tant de mauvais coups, c’est que leur projet fondateur était original. Elles défendaient une approche multidisciplinaire et elles avaient pour but d’aider les jeunes  à devenir des citoyens informés et critiques. Projet qui a toujours fait peur aux conservateurs, politiciens, mais aussi à des universitaires qui défendent leur chapelle.

On a voulu les terrasser, on a voulu les scinder en deux avec Chevènement, on a voulu les fusionner avec l’économie-gestion, et pour les discréditer, on les a traitées « d’erreur génétique »; rien que ça.

Les professeurs de SES, soutenus par leurs élèves et ex élèves, ont su se mobiliser efficacement. Ils ont remporté de belles victoires: reconnaissance de leur spécificité, maintien d’une série B, puis, ES et aussi ici ou là, augmentation des horaires d’enseignement et affirmation qu’ils avaient besoin parfois d’heures dédoublées pour faciliter la mise en activité des élèves.

La droite au pouvoir en 2010 a compris qu’attaquer frontalement les SES était contre productif. Elle  a donc chargé la barque des programmes (devenus trop lourds) et elle a cloisonné les approches disciplinaires. Malgré cela, les professeurs ont su louvoyer et faire en sorte que leur enseignement reste digeste et intéressant.

Forts de leurs succès passés, les professeurs de SES ont cru qu’ils allaient à nouveau tirer leur épingle du jeu, comme quand la série B est devenue la série ES.

Habiles manoeuvriers, ils pensaient qu’une fois de plus, les SES s’en sortiraient mieux que d’autres  disciplines, moins habituées à ferrailler avec le ministère. Certains ont alerté sur le risque majeur que faisait peser la disparition des séries, les SES au minimum étaient banalisées et devenaient une matière hors du tronc commun (sauf en seconde, mais dans des conditions difficiles: 1h30 souvent à lourd effectif) et une spécialité parmi d’autres. Pourquoi seraient-elles plus légitimes pour obtenir des horaires dédoublés? Ajoutons, qu’on sait qu’au tout début d’une réforme, les rectorats accordent aux établissements une enveloppe horaire permettant de limiter les grincements de dents, mais très vite, des restrictions horaires arriveront et les autres spécialités ne s’effaceront pas volontiers devant les SES, comme quand elles étaient le centre d’une série.

Bien entendu, la lourdeur des programmes est un vrai handicap, d’autant que l’architecture des programmes ne réserve qu’à la terminale (et sur 6 mois seulement, jusqu’en mars) les thèmes les plus intéressants; on risque d’avoir perdu beaucoup d’élèves, à la fin de la première.

J’imagine que beaucoup de profs dans d’autres matières se plaignent et contestent l’originalité de notre acrimonie. Pourtant, la création de la spécialité HGSP (histoire, géopolitique, sciences politiques) prouve de manière éclatante, la volonté de nuire aux SES. Sur le papier, comme le rappelle cet article d’Eva Mignot, les SES ont une perspective de développement, sauf qu’elles ne sont plus qu’une matière de soutien, le cas échéant. On est confondus d’avoir été abandonnés en rase campagne par l’Inspection Générale, qui a laissé aux historiens le soin de concocter un programme qui nous met au mieux sur le porte bagages des historiens géographes, sauf quand ceux-ci joueront le jeu de manière confraternelle, pour nous associer (et c’est le cas dans mon lycée).

Cette spécialité est une véritable innovation qui d’ailleurs pourra servir à la place des SES dans  les attendus dans certaines formations du supérieur. Spécialité qui pourrait être bien plus « sexy » en première que les SES, si du moins les professeurs ne font pas une lecture passive du programme et ne renoncent pas aux espaces de liberté qu’elle offre; le risque d’un déclin des SES et donc des postes est bien réel.

Les SES avec cette réforme Blanquer (un ancien de la gouvernance Sarkozy / Fillon, donc plus que méfiant avec les SES) sont dévitalisées, aseptisées en particulier en première, mais on peut encore éviter la momification.

Malheureusement, la fin des séries semble actée, du moins avec ce gouvernement, mais j’espère qu’on saura peser sur les évolutions inévitables des programmes (aujourd’hui impossibles à boucler en 4 heures) de SES, pour les rendre plus faisables et attractifs, et qu’on saura faire modifier ceux d’HGSP dont l’architecture et le contenu est scandaleux pour les SES.

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