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Par Thierry Fabre
Challenges 26 juillet 2016
EXCLUSIF La ministre de l’Education refuse d’aller aux Entretiens Enseignants-Entreprises, qui réunissent profs et dirigeants à Polytechnique. Une décision qui s’ajoute aux changements du programme d’économie au lycée, qui suscitent de vives critiques des patrons car ils réduisent la place de l’entreprise et du marché.
Xavier Huillard, PDG de Vinci et président de l’Institut de l’Entreprise, est furieux. Selon nos informations, Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l’Education Nationale, vient d’annoncer qu’elle ne viendra pas aux Entretiens Enseignants-Entreprises, organisés par son think tank, les 25 et 26 août. Pourtant, il avait prévu une table ronde sur l’apprentissage et l’insertion des jeunes confrontant la ministre à Jérôme Bédier (Carrefour), Philippe Crouzet (Vallourec), Elisabeth Borne (RATP) et Eric Charbonnier, l’expert de OCDE sur l’éducation. La ministre tourne le dos à un événement organisé avec l’Education Nationale, qui a signé une convention avec l’Institut de l’Entreprise, assez inédit: pendant deux jours, près de 400 enseignants seront réunis sur le campus de Polytechnique, où ils vont échanger avec des économistes et des dirigeants d’entreprises. Une initiative qui vise à rapprocher deux mondes, enseignants et entreprises, qui se sont longtemps regardés en chiens de faïence. « Nous faisons chaque jour tomber les malentendus qui ont trop longtemps entravé les relations si nécessaires qui doivent exister et prospérer entre l’Education nationale et le monde du travail », déclarait pourtant Najat Vallaud-Belkacem, lors de l’édition 2015 de l’événement. Alors, que signifie ce refus? Du côté de la ministre, on met en avant un « problème d’agenda », à quelques jours de la rentrée scolaire. Certains conseillers ont aussi fait valoir que la place accordée à la numéro quatre du gouvernement était insuffisante. D’autant qu’Emmanuel Macron, le très médiatique ministre de l’Economie, va participer à l’événement en s’exprimant sur l’avenir de l’Europe, et risquait de lui voler la vedette. Plus fondamentalement, plusieurs grands patrons dénoncent le comportement de la ministre de l’Education qui « se paye notre tête », confie l’un d’eux, en ciblant les programmes d’enseignement de l’économie. Michel Pébereau (BNP Paribas), Henri Lachman (Schneider Electric), Pierre Gattaz (Medef) et Xavier Huillard sont montés au créneau pour dénoncer la suppression d’un des cinq thèmes obligatoires de l’enseignement d’économie en classe de seconde, intitulé « comment se forment les prix sur un marché » : « Non, l’enseignement du marché n’est pas facultatif. L’immense majorité des élèves arrivant au bac n’aura jamais eu l’opportunité de comprendre le jeu de l’offre et de la demande, compréhension sans laquelle la plupart des mécanismes économiques se résument au mieux à la de la magie et au pire à d’obscurs arrangements entre initiés », écrivait Xavier Huillard dans Le Figaro le 6 juillet. Rendre optionnelle une notion aussi fondamentale que le marché serait une grave erreur ». Le patron de Vinci n’a pas été entendu ; l’arrêté supprimant le thème obligatoire a été publié le 20 juillet. Dédramatiser. Au cabinet de la ministre de l’Education, on minimise l’impact de cette décision, qui répond à une surcharge du programme. Si le thème « marché et prix » devient optionnel, celui sur « qui produit les richesses? » reste obligatoire. Et il vise à « sensibiliser les élèves à la diversité des entreprises, leur taille, leur mode d’organisation (…) et à les distinguer d’autres organisations comme les administrations ». En plus, Najat Vallaud-Belkacem vient de lancer une réflexion sur « les compétences et les connaissances que doit maîtriser un élève ayant suivi un programme Sciences Economiques et Sociales au lycée », selon les termes de la lettre de mission, adressée au Conseil Supérieur des Programmes, l’instance du ministère qui réunit des personnalités qualifiées et des parlementaires. La ministre a aussi saisi le Conseil National Education Economie, qui rassemble syndicalistes et patrons pour créer des ponts entre l’Ecole et l’Entreprise. « Nous sommes sortis de cette polémique par le haut, même si cela ne calme pas les critiques de certains membres », constate Pierre Ferracci, le PDG du groupe Alpha qui préside cette instance. Cet habitué des médiations difficiles, notamment des conflits sociaux, voit bien les difficultés à connecter ces deux mondes qui s’ignorent. Avec d’un côté la frustration des dirigeants d’entreprises, de l’autre la vive opposition d’une partie des enseignants aux liens tissés avec les entreprises, notamment la puissante et très à gauche Association des Professeurs d’Economie (APSES). Pour les patrons, les dernières décisions de Najat Vallaud-Belkacem montrent qu’elle a choisi son camp.Une absence remarquée
Surcharge du programme