Les profs de SES sont-ils trop à gauche ?
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Les discussions sur la révision des programmes de sciences économiques et sociales (SES) au lycée, commencent ce vendredi 13 avril. La querelle entre patrons et enseignants dure depuis plus de dix ans : d’un côté, les chefs d’entreprise, Medef en tête, dénoncent des cours trop à gauche, trop axés sur le social, et mal adaptés à la réalité de l’entreprise. De l’autre, les profs défendent le pluralisme de la discipline, dont l’importance de la notion sociale. Alors, les profs de SES sont-ils trop à gauche ? À vous de juger !
1. Le choix des programmes manque de pluralisme
Le terme de “classe sociale”, – souvent associé au marxisme – devrait dépendre “de l’histoire, pas de la sociologie contemporaine, tant le concept nous paraît aujourd’hui dépassé pour décrire la société et ses dynamiques”, déplore Yann Coatanlem, président du Club Praxis, un think tank libéral, dans un rapport de 2016. Le fait que les nombreux courants de pensée économique soient tous enseignés égalitairement – jusque dans les manuels -, contribuerait à une impression de “négativisme générale” chez les étudiants. Yann Coatanlem préconise plutôt d’insister sur le “socle théorique de base, qu’aucun économiste ne songerait à remettre en cause”. D’autant que ce socle est plus que nécessaire : , la France souffrirait d’inculture économique, estime Philippe Aghion, professeur d’économie au Collège de France, et à la tête d’un groupe d’experts chargé de réécrire les programmes, dans Les Échos. “Je l’ai ressenti très fortement durant la campagne présidentielle : nos concitoyens étaient perméables à des raisonnements économiques outrancièrement erronés, sans esprit critique”.
Les programmes de SES seraient trop abstraits, trop théoriques, et donc trop éloignés de la réalité de l’entreprise. Dans les cours, l’Etat est toujours présenté comme l’acteur principal de l’économie, alors que “la réalité et les contraintes des entreprises y sont à peine effleurées”, et la mondialisation principalement critiquée, résumait le magazine Capital en 2014. Les patrons s’en plaindraient depuis les années 1960, jugeant les manuels “gauchisants”, selon Yves-Patrick Coleno, chercheur en didactique de l’économie à l’université Aix-Marseille. L’enseignement de cette matière serait défavorable au marché, jugent le Medef et les entreprises elles-mêmes Il faudrait plutôt apprendre aux élèves comment faire du profit dans une entreprise, selon Xavier Darcos, ancien ministre de l’Éducation nationale sur BFMTV.
1. Les programmes propose des visions variées de l’économie
“Partir des manuels scolaires donne une vision tronquée de l’enseignement réel dans les classes. Les manuels scolaires n’ont pas prétention à être le cours de l’enseignant”, défend Erwan Le Nader, de l’Association des professeurs de sciences économiques et sociales (SES). Ces manuels “réalisés par des éditeurs privés, à partir d’objectifs et de choix qui leur sont propres”, ne sont qu’un outils qu’ils utilisent avec du “recule”, rappelle Renaud Chartoire, agrégé de SES et écrivain. De fait, les enseignants défendent le pluralisme des sources et des disciplines dont ils “connaissent l’importance décisive et qu’ils appliquent”.
2. L’enseignement doit être indépendant des souhaits du patronat
Ces cours servent à fournir à tous les élèves “la maîtrise des raisonnements de base et des concepts” qui leur permettront de “porter un regard informé sur le monde économique et social”, défendent 15 économistes dans une tribune au Monde. Car dans ces cours, “il ne s’agit pas de former des spécialistes de l’analyse économique”. Le rôle de l’école est bien de former des citoyens, en non pas “seulement des travailleurs”, rappelle Jy Mas, professeur SES, dans une note de blog. Pour lui, le Conseil national éducation économie (C.N.E.E), qui souhaite que l’ensemble du système scolaire participe au développement de la culture économique, révèle sa “conception patronale de l’économie”, visant à transmettre “les normes et les valeurs propres à l’ethos capitaliste”. Or, l’étude du “social”, contribue à former des esprits libres, qui souhaiteront s’engager dans la démocratie.