Le Café pédagogique annonce que le Conseil national éducation économie devrait être bientôt supprimé : http://www.cafepedagogique.
La nouvelle évaluation Blanquer invite les usagers
Un chef d’entreprise pour évaluer votre collège ? C’est ce que recommande la loi Blanquer. La Café pédagogique a déjà cité l’étude d’impact de la loi à propos du contrôle sur l’expression des enseignants sur les réseaux sociaux. L’article 9 présente la nouvelle évaluation des établissements qui sera mise en place à la rentrée 2019. Et elle aussi ne manque pas de surprises…
Ce que dit la loi Blanquer
» Le Conseil d’évaluation de l’Ecole, placé auprès du ministre chargé de l’éducation nationale, est chargé d’évaluer en toute indépendance l’organisation et les résultats de l’enseignement scolaire », annonce l’article 9 du projet de loi Blanquer qui arrivera en discussion à l’Assemblée début février 2019. Ce conseil remplacera le Cnesco. Il doit veiller « à la cohérence des évaluations conduites par le ministère chargé de l’éducation nationale portant sur les acquis des élèves, les dispositifs éducatifs et les établissements d’enseignement scolaire » et définir » le cadre méthodologique et les outils des évaluations des établissements ».
Cette évaluation des établissements doit, selon l’étude d’impact (un document officiel réalisé par le ministère de l’Education nationale pour les députés) » renforcer et encourager l’autonomie des établissements d’enseignement scolaire ». Le diagnostic portera sur l’enseignement, les progrès des élèves, les projets pédagogiques, les infrastructures. Le nouveau « Conseil d’évaluation de l’école » (CEE) coordonnera toutes les évaluations.
Un positionnement très différent du Cnesco
Depuis 2014, le Cnesco a mené de nombreux travaux sur le système éducatif avec des conférences de consensus, des rapports scientifiques, des conférences ne ligne, des conférences de comparaisons internationales, des notes d’actualité sur une quinzaine de thématiques. Il a publié pas moins de 31 rapports. On se rappelle très récemment la conférence sur l’orientation. Les travaux du Cnesco ont largement amélioré la connaissance et la réflexion sur le système éducatif en abordant des sujets qui intéressent le système : l’enseignement professionnel, l’évaluation, l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, des maths, l’éducation prioritaire, la mixité sociale à l’école, le redoublement pour ne citer que les plus récents. Souvent ces études de haut niveau sont venues contrarier le ministère en montrant les insuffisances des politiques menées, les risques, en pointant des priorités.
Le futur CEE apparemment se bornera à évaluer les établissements scolaires dans un premier temps puis les écoles. Cela participe d’une vision nouvelle de l’école, inspirée, comme le précise l’étude d ‘impact, de pays qui ont largement privatisé leur système éducatif, comme la Suède, ou qui ont des systèmes régionaux ,comme l’Allemagne. Les travaux du CEE aboutiront à une évaluation très probablement publique d’établissements et d’écoles largement autonomes, disposant d’un manager à leur tête. Les résultats seront publiés et on aboutira ainsi à une mise en concurrence des établissements.
On apprend par l’étude d’impact, que le ministre va se débarrasser, en plus du Cnesco, du Conseil national éducation économie (CNEE). Il paye peut-être le prix d’un avis émis sur les programmes de SES en octobre 2017 qui allait à l’encontre de la vision du ministre sur cet enseignement.
Une indépendance affichée mais inexistante
Le CNESCO a dès le début fait preuve d’indépendance, n’hésitant pas à traiter d ‘évaluation au moment où la ministre s’emparait du problème, à montre la tiédeur de la politique de mixité sociale à l’école etc. C’était possible par la composition de son conseil composé d’universitaires et de parlementaires.
Le futur CEE sera composé de 4 représentants du ministère, choisi par le ministre, d’un élu de l’Assemblée et du Sénat, forcément choisis dans la majorité de chaque chambre et de 4 personnalités nommées par le ministre. Autant dire que, contrairement à ce qu’affirme l’étude d’impact, il sera totalement entre les mains du ministre. Son programme de travail devra d’ailleurs être validé par le ministre. Il n’aura même pas le droit de se saisir d’un sujet.
Son role et les personnels qu’il utilisera montrent le lien étroit de subordination du futur CEE. Son évaluation sera une évaluation « maison » sans aucune portée sur le système.
Inspecteurs et usagers pour évaluer l’école
Alors que le ministre a annoncé le maintien du Cnesco sous la forme d’une chaire universitaire, l’étude d’impact détaille sa mise à mort puisqu’il est précisé que les quelques emplois dont dispose actuellement le Cnesco vont passer au CEE. Le Cnesco n’aura donc plus aucun moyen de fonctionnement ce qui le supprimera d’office.
L’étude d’impact détaille la façon dont seront menées les évaluations d’établissements. Le futur CEE devrait pouvoir constituer 400 équipes totalisant 1600 évaluateurs chargés d’évaluer 2000 établissements par an. Il puisera essentiellement dans les corps d’inspection (IPR et IEN), les personnels de direction et quelques enseignants et chefs de service , tous désignés par leur recteur. Autrement dit, le futur CEE « totalement indépendant » ne pourra même pas choisir ses personnels.
S’ajouteront à ces évaluateurs Education nationale, « des représentants des usagers ». « Des parents d’élèves, des chefs d’entreprises et/ou des représentants de collectivités locales pourront être le cas échéant utilement associés » , ajoute l’étude d’impact. Ils pourraient , selon l’étude d’impact » apporter leur regard sur les aspects vie scolaire, communication et qualité des relations externes », c’st à dire que là aussi le ministre entend cadrer précisément les choses.
Une vision libérale de l’Ecole
Ce nouveau dispositif devra être mis en place à la rentrée 2019. Le système éducatif français a connu plusieurs organes d’évaluation. Sous Sarkozy le Haut Conseil de l’Education avait fait preuve d’indépendance et vivement critiqué les évaluations réalisées par le directeur de la Dgesco, JM BLanquer.
Devenu ministre celui-ci ne prend pas le risque d’une évaluation indépendante de sa politique éducative. Il n’y aura d’ailleurs plus d’évaluation des politiques menées. Elle sera remplacée par une évaluation des établissements et écoles autonomes, mises e concurrence, dans une optique libérale de l’éducation. Comment maintenir un minimum d’équité dans un système où l’évaluation renforcera les meilleurs c’est à dire les établissements à recrutement social favorisé ?
François Jarraud