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Feuille d’info n°120 17 février 2010
L’enseignement des Sciences Economiques et Sociales. A propos des nouveaux programmes
Comme le souligne Stéphane Beaud dans la conclusion de son remarquable point de vue dans Libération, "les sciences sociales ont cette vertu, indispensable en démocratie, de donner à voir la réalité sociale telle qu’elle l’est et non pas telle que le pouvoir, ou les pouvoirs, souhaiteraient qu’elle soit. Le maigre corps des professeurs de SES a besoin du soutien des enseignants des autres disciplines sœurs, du monde universitaire et de la recherche, des syndicats, des parents d’élèves sensibles à ces questions, des élus nationaux et locaux, etc. bref de tous ceux qui ne résignent pas à cette dangereuse entreprise de dilapidation par le gouvernement actuel du précieux héritage culturel que constitue la présence plus que quarantenaire des sciences sociales au lycée."
L’enseignement des SES a effectivement besoin des sociologues et nous ne pouvons que souscrire aux demandes de soutien qu’ils nous adressent et auxquelles l’AFS a toujours répondu mais, et la société, et sa perception savante à travers la sociologie, ont évolué depuis la création des SES et il est normal que les programmes évoluent.
Si la part laissé à l’enseignement de concepts sociologiques est réduit à peu de choses dans la version finale des programmes, l’AFS ne peut que suivre François Dubet, qui a participé à l’élaboration des nouveaux programmes et dire comme lui que la perspective sociologique en est aujourd’hui très appauvrie et qu’on ne peut cautionner ce rétrécissement (lettre de François Dubet). Nous souhaitons donc que le Ministère tienne compte du fait que les sociologues demandent que les programmes donnent toute leur place à des perspectives de réflexions issues de la sociologie d’aujourd’hui.
Ces remarques faites, la manière de procéder des nouveaux programmes est intéressante en ce sens qu’elle part de questions comme "comment expliquer les différences de pratiques culturelles" alors que l’ancien programme parlait d’un "effet de signe" qui devait permettre d’aborder "les dimensions symboliques de la consommation". On peut passer ainsi d’un concept dérivé de la sémiotique (enseigné en fait en termes de "distinction") à l’étude des différenciations des pratiques culturelles dont les études actuelles montrent qu’elle sont très segmentées et certainement pas réductibles au seul critère de la distinction. Il est donc normal que les programmes évoluent et, s’ils sont réduit pour les besoins d’un "enseignement d’exploration" offert à tous, qu’ils soient centrés sur un plus petit nombre de questions qu’auparavant. Il n’est pas certain que la proposition alternative au programme de seconde en SES proposée par l’APSES ne soit pas une refonte en style de "questionnements" de ce qui était auparavant en style de "thèmes du programme". L’ordre est changé et correspond à la manière dont se passaient de fait les enseignements de seconde, avec par exemple le refus de commencer par le thème de la famille mais de finir par lui, et au contraire le désir de commencer par la consommation. Même si l’allègement est envisagé par le biais de la liberté de ne traiter qu’une question par thème, on voit mal comment pourra être assurée la continuité avec les programmes des classes suivantes si des bases bien précises ne sont pas assurées pour tous.
En conclusion, il est très appréciable que le programme de seconde de SES soit désormais obligatoire pour tous les élèves (et c’est le seul enseignement d’exploration qui soit dans ce cas, ce qui n’est pas rien). L’AFS demande cependant que ces programmes de l’enseignement d’exploration de seconde de SES soient revus et que l’équilibre entre éclairages venant de la sociologie et éclairages venant de l’économie (les autres disciplines se révélant absentes) tienne compte, non des désirs d’attaquer la sociologie, mais de l’apport que chaque discipline peut apporter sur une question donnée. Les choix doivent être pilotés par les questions traitées et non par des raisons idéologiques.
Philippe Cibois Président de l’AFS