
Paris, le 10 février 2010 Dans le cadre de sa consultation nationale relative au projet de refonte de l’enseignement des sciences économiques et sociales (SES) de la classe de seconde générale et technologique (enseignement d’exploration), l’APSES me prie de leur donner mon avis. C’est bien volontiers que j’ai entrepris une lecture comparative des anciens et nouveaux (certes provisoires) programmes. Et ce aussi bien en tant que professeur des Universités ayant fréquemment à travailler dans le cadre du cursus de Licence de Droit avec des anciens bacheliers de la série SES qu’en tant que membre régulier du jury d’agrégation externe de SES. A vouons d’emblée qu’il est toujours difficile d’évaluer des programmes sans avoir, pour l’heure, connaissance de l’ensemble du curricula prévu (classe de 1ère et de terminale). Toutefois, je dois avouer une certaine perplexité, voire une réelle inquiétude puisée dans l’expérience pédagogique qui est la mienne. En effet, comme l’indique l’avant‐propos du projet, ce programme doit concilier (plus aujourd’hui encore qu’au début des années 2000) deux objectifs complémentaires : former le citoyen (et donc lui donner une culture générale en sciences sociales, politiques et économiques apte à lui permettre de comprendre les enjeux du monde contemporain et leurs évolutions futures) et donner au futur bachelier les connaissances et méthodes nécessaires au suivi des études supérieures auxquelles se destinent une grande majorité d’entre eux (tant dans les filières économiques ou juridiques des Universités que dans les Instituts d’Etudes politiques où beaucoup d’entre eux tentent d’entrer par concours). Du point de vue de ces deux objectifs légitimes, il me semble que le projet actuel manque l’essentiel : proposer un enseignement de sciences économiques et sociales le moins théorique possible pour permettre au plus grand nombre d’élèves de seconde générale et technique de s’initier au raisonnement des sciences économiques, poli tiques et sociales. Le choix a été fait de refondamentaliser le programme autour d’ une vision très restrictive des sciences économiques qui laisse largement de côté (à mes yeux) l’insertion sociale mai s aussi politique des faits économiques étudiés. D’ où le double risque de mettre en œuvre un programme par trop spécialisé pour intéresser le plus grand nombre (l’objectif civique de l’enseignement est alors manqué) et tout autant pour développer les connaissances nécessaires à une lecture transdisciplinaire des réalités économiques et sociales de notre monde. À ce titre, pour bien connaître par exemple les épreuves des concours d’entrée dans les IEP comme la nature des enseignements universitaires de 1er cycle (Licence), il me semble que ce projet limitera plus qu’il ne développera les possibilités de passerelles entre les divers cursus proposés par les Universités dans le cadre de leur offre de formation. Comme le laisse entendre le plan Licence lancé ces dernières années, une trop précoce spécialisation nuit à la qualité de la préparation proposée par les lycées aux études supérieures. Enfin, il me semble que comparé aux anciens programmes, ceux actuellement débattus peinent à couvrir les questions relatives aux grands enjeux du monde contemporain et marquent de ce point de vue aussi un retour en arrière par rapport à une tendance lourde des enseignements de SES d’ être à la fois transdisciplinaire et largement en prise avec des questions concrètes mai s essentielles de notre monde contemporain, souvent éloigné des théories économiques pures. Yves DELOYE Professeur des Universités , Université Paris I Panthéon‐Sorbonne , Secrétaire Général de l’AFSP