
Enquête APSES auprès des professeurs de SES (mars-avril 2009) : analyse détaillée des données Philippe Cibois (univ. Versailles-StQuentin) phcibois@wanadoo.fr
Les données disponibles ici concernent 544 répondants pour lesquels l’ensemble des questions d’opinion posées consiste en 200 modalités de réponse. On trouvera dans le premier plan de l’analyse des correspondances de ces 200 modalités celles qui ont contribué le plus à la fabrication du premier ou du deuxième facteur (contribution au facteur égale ou supérieure à 10 pour mille).
Des types de répondants
On distingue une opposition principale (celle du premier facteur), qui oppose à gauche ce que l’on peut désigner comme les partisans du cours magistral. On y trouve ceux qui ont les taux de cours magistral en seconde, première et terminale de 75% et plus et inversement le plus faibles taux de travail sur document (seconde première terminale : 25%). Le temps de parole de l’élève n’y est que le 2e sur une échelle de 6 : 10% et on ne lui demande pas d’élaborer un plan, la synthèse d’un cours ou un exercice. Des manières de faire autres que le cours magistral c’est-à-dire travail de groupe, vidéo, presse, enquête, débats y sont absentes et jugées négativement pour l’informatique ou la vidéo. Ils ne pratiquent pas d’expériences pédagogiques avec une autre matière.
Figure 1 : analyse générale
En ce qui concerne les programmes, ils ne sont satisfaits d’aucuns mais en seconde ne traitent que la moitié du programme. Les entrées choisies dans les programmes doivent plutôt favoriser une seule science sociale pour éviter les confusions et donc il faut renforcer le découpage entre parties économiques et parties sociologiques dans de nouveaux programmes. De même le dosage des différentes sciences sociales dans nos programmes devrait être exclusivement centré sur la science économique et la sociologie (sans les autres sciences sociales).
Du côté droit du graphique, s’opposant à ce groupe qui privilégie le cours magistral, on trouve deux groupes qui sont mis en relief par l’opposition haut/bas du deuxième facteur. En haut on trouve un groupe qui met l’accent sur la parole de l’élève. Par opposition au premier groupe, les cours magistraux y sont au minimum (25%) pour les trois niveaux de classe et inversement les travaux sur document y sont au maximum (>75%). Le temps de parole de l’élève y est à son maximum (6e/6 = 30%&+). Ils sont satisfaits des programmes, en particulier de celui de terminale, et considèrent que le dosage des différentes sciences sociales est adéquat.
S’opposant aussi au groupe de gauche, on trouve dans le bas du graphique un groupe qui met en avant des pratiques d’échanges. Echanges avec les élèves par le travail de groupe, des mails, un site ou un blog, en salle info, en favorisant une auto-évaluation des élèves ou par le biais de documents autres que le manuel. Echanges pédagogiques avec d’autres matières (histoire/géo ; philo, documentaliste). En ce qui concerne les programmes, ils pensent que le dosage des différentes sciences sociales donne trop peu de place à la démographie et aux autres sciences sociales.
Des types croisés avec des modalités de position (ancienneté, formation) Lors de l’analyse des premiers résultats, il avait été envisagé que l’ancienneté dans la profession, ou le type de formation, pouvaient avoir une influence sur les jugements émis.
Figure 2 : analyse générale et modalités supplémentaires (en italique gras)
Pour se rendre compte si c’était le cas, on a ajouté dans la figure 2 les réponses à trois questions : ancienneté, type de formation et appartenance ou non à l’APSES. Comme on peut le voir, sauf dans le cas peu fréquent de la formation par le droit, les autres modalités se trouvent très proche du centre, voir même strictement au centre comme les formés par l’économie et la gestion. Dans ce dernier cas, cela signifie qu’il y a indépendance entre ce type de formation et les types repérés précédemment.
On voit qu’on ne peut rien dire non plus de l’ancienneté puisque l’opposition entre le type du haut et le type du bas se fait en mélangeant des tranches d’âge. L’appartenance ou non à l’APSES semble peu significative. Prenons à titre d’exemple, le fait de travailler en groupe que nous croisons avec le fait d’être ou non à l’Apses : le tableau qui en résulte est globalement non significatif et seul le fait de ne jamais travailler en groupe est lié au fait de ne pas être à l’APSES (seule ligne où l’indicateur d’attraction PEM de 13,3 est significatif), ce qui est cohérent avec l’opposition sur le plan factoriel.
Croisement de la question V15 avec la question V56 Le Khi-deux du tableau est de 3.8 Degré liberté = 3 Prob.= 0.279 ns
+------------+------------+------------+------------+
N= %Ligne | APSESOui | APSESNon | Total |
Khi2 %Attrac | en ligne |
+------------+------------+------------+------------+
TravGroupe++ | 71 63.4 | 41 36.6 | 112 100 |
0.0 -0.6 | 0.0 0.6 | 0.0 20.6 |
+------------+------------+------------+------------+
TravGroupe- | 129 67.5 | 62 32.5 | 191 100 |
0.4 10.4 | 0.7 -10.4 | 1.2 35.1 |
+------------+------------+------------+------------+
TravGroupe+ | 100 64.1 | 56 35.9 | 156 100 |
0.0 0.9 | 0.0 -0.9 | 0.0 28.7 |
+------------+------------+------------+------------+
TravGroupe— | 47 55.3 | 38 44.7 | 85 100 |
1.0 -13.3* 1.7 13.3* 2.7 15.6 |
+------------+------------+------------+------------+
Total | 347 63.8 | 197 36.2 | 544 100 |
en colonne | 1.4 | 2.4 | 3.8 100 |
+------------+------------+------------+------------+
Il en est de même (résultat non significatif), en croisant la formation socio ou la formation sciences po avec le travail en groupe. Les répartitions régionales, d’ailleurs à effectifs faibles, n’apportent pas de différences significatives. Comment interpréter cet état de fait ? Il faut bien prendre en compte que nous avons affaire à une participation volontaire à une enquête dans lesquelles étaient proposées des options pensables : le volontariat fait que les distinctions d’ancienneté, de formation, d’adhésion associative, sont gommées par cette volonté de participer. Par contre, ce qui distingue les répondants c’est, à l’intérieur des choix proposés, la manière d’associer ces choix, ce qui a constitué les types.
Il faut cependant bien noter que ces types sont des types-idéaux, c’est-à-dire qu’ils constituent des configurations ayant un lien logique, mais qui sont rares en tant que type pur. A titre d’exemple, examinons la distribution des effectifs correspondants au fait, dans le type "cours magistral", d’avoir choisi de répondre 75% ou plus, dans les trois niveaux de classe.
Ils ne sont que 48 (8,8%) à être dans ce cas, 67 (12,3%) a avoir pris cette réponse dans deux niveaux de classe sur trois et 129 (23,7%) à l’avoir pris une seule fois. Par contre 300 (55,1%) n’ont jamais pris une seule de ces réponses. On voit bien que le type à l’état pur ne concerne qu’un tout petit groupe d’un peu moins de 9%. Si on lui agrège ceux qui sont presque du type pur, on a maintenant un groupe de 67 + 48 = 115 individus soit 21,1%.
Il est donc illusoire ici de vouloir compter les effectifs de types de répondants car en plus du phénomène précédent, des transitions sont possibles entre les types comme on le voit mieux dans le graphique où est absent l’artifice graphique du cercle correspondant au type, artifice qui relève de la stricte interprétation. De plus, si on avait pris un niveau de contribution plus faible, on aurait un enchevêtrement de réponses sans aucune transition.
Les types repérés sont donc bien des types idéaux et doivent être traités comme tels : ils ont le mérite de la cohérence mais il faut bien les prendre non comme des choix pédagogiques forts mais comme des pôles qui balisent des positions pédagogiques. D’autres analyses locales (par exemple sur les seuls programmes) seraient possibles dans lesquelles on pourrait voir où se situent les types idéaux pédagogiques.