Nouveau bras de fer profs-patrons sur l’enseignement de l’économie au lycée

Par AFP , le

Paris – Que doivent apprendre les lycéens en sciences économiques et sociales ‘ La querelle qui oppose depuis des années profs et chefs d’entreprise, se soupçonnant mutuellement de biais idéologiques, est ravivée à l’approche de l’élection présidentielle.

Lundi, l’Académie des sciences morales et politiques (ASMP), rattachée à l’Institut de France et présidée par l’ex-PDG de la banque BNP Paribas Michel Pébereau, a présenté son analyse des manuels scolaires de sciences économiques et sociales (SES) au lycée, décortiqués par six économistes internationaux. Elle avait déjà entrepris une lecture critique en 2008, qui avait influencé les programmes de 2010, actuellement en vigueur.

Ce travail « doit servir de base à notre réflexion en dehors de tout débat passionnel« , a affirmé lundi M. Pébereau lors d’un colloque de « diagnostic« , avant des propositions fin février.

 « L’amélioration de la culture économique des Français doit passer en premier lieu par l’école« , a-t-il dit. « Comment les citoyens seraient-ils aptes à discerner les réformes qu’il est nécessaire de faire« , sans « les notions de base » pour distinguer les faits de « la simple opinion ‘« .

Pierre-André Chiappori, professeur à l’université de Columbia, a salué « des progrès très nets« , évoquant « des biais caricaturaux, très idéologiques » dans les manuels de 2008, « pas en 2010« .

Yann Coatanlem, président du club Praxis, a regretté une « impression de relativisme » avec « de nombreux courants de pensée présentés » à égalité, ce qui « contribue à une impression générale de pessimisme particulièrement dangereuse alors qu’il existe un socle théorique de base qu’aucun économiste aujourd’hui ne songerait à remettre en cause« . « Pourquoi ne pas laisser Marx au programme d’histoire ‘« , a-t-il proposé.

Agnès Benassy-Queré, professeur à l’université Panthéon Sorbonne, a elle proposé d’introduire une épreuve pratique au baccalauréat.

– Dépassionner le débat –

Les rapports présentés par l’Académie « sont plutôt équilibrés, la plupart disent qu’il n’y a aucun biais idéologique« , a dit à des journalistes Pierre Ferracci, président du Conseil national éducation économie (CNEE). « Au départ c’était peut-être ce présupposé qui était dans la tête de certains« .

Le CNEE remettra fin mars-début avril, avec le Conseil supérieur des programmes (CSP), un avis demandé par la ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem sur « les thématiques, les concepts et les mécanismes jugés incontournables au regard des objectifs » de l’enseignement de SES.

Ce rapport « dépassionnera un peu le débat« , a estimé M. Ferracci. Le texte, d’abord prévu en janvier, a été « retardé par la démission intempestive de quelques membres du CNEE« .

En septembre 2016, cinq patrons dont Michel Pébereau avaient claqué la porte du CNEE pour protester contre un allégement des programmes d’un enseignement exploratoire de SES en seconde -réclamé par les enseignants- rendant facultatif un thème sur la formation des prix dans un marché.

Erwan Le Nader, président de l’Association des professeurs de sciences économiques et sociales (Apses), s’est dit lui « assez surpris de la démarché de l’Académie« , car « partir des manuels scolaires donne une vision tronquée » de « l’enseignement réel dans les classes. Les manuels scolaires n’ont pas prétention à être le cours de l’enseignant« .

« On n’est pas là pour faire aimer l’entreprise, pour faire aimer le marché, ni le faire détester d’ailleurs« , mais « pour les faire comprendre« , a-t-il relevé. Et les SES ne se réduisent pas à l’économie, mais comprennent aussi les sciences politiques et la sociologie.

Beaucoup d’intervenants ont pointé le caractère encyclopédique des programmes de SES, mais les demandes d’ajouts ont été nombreuses: risque, efficacité, optimisation, comptabilité…

L’ancien patron du Crédit Lyonnais Jean Peyrelevade a suggéré de modifier aussi les programmes de maths, pour que les élèves puissent utiliser les probabilités en SES.

Pour George de Menil, qui a organisé le colloque, « on ne se pose plus la question de savoir si cette réforme » des programmes de SES « est nécessaire, elle est en cours« .

Reste qu’entre une décision de refaire des programmes et leur entrée en vigueur, il s’écoule plusieurs années.

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